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15 juin 2017  Archives des actualités

En Inde, « intouchable » rime avec « inacceptable »…

L’Inde est souvent présentée comme un nouveau miracle économique des temps modernes, pur produit d’un capitalisme conquérant et porteur de progrès.

Pourtant, derrière des taux records de croissance, les inégalités sociales se creusent de façon vertigineuse. Aujourd’hui, parmi ses 1,25 milliard d’habitants, l’Inde voit des dizaines de millions de personnes s’enfoncer dans une pauvreté effarante. Parmi eux, les Dalits, les intouchables.
Juste Terre !a rencontré Nicolas Casale, chargé de projets en Asie, pour tenter d’en savoir plus.

Juste Terre ! : Comment la société indienne se structure-t-elle ?
Nicolas Casale : Pour les hindous, fortement majoritaires en Inde, les relations entre les personnes sont basées sur le système traditionnel et inégalitaire des castes. Ce système, héréditaire et hiérarchique, divise cruellement les individus en s’appuyant
sur le concept de la pureté. Les personnes appartenant aux castes les plus élevées, synonyme d’une grande pureté, jouissent de plus de droits et ont un meilleur accès aux emplois les plus reconnus. Les « moins purs », quant à eux, voient la plupart de leurs droits bafoués et doivent le plus souvent se contenter des tâches les plus pénibles et dégradantes.
Juste Terre ! : Qui sont les Dalits ?
Nicolas Casale : Les Dalits ne font même pas partie du système de castes et sont considérés comme les plus impurs de la société indienne. Les Dalits, qui représentent près de 17 % de la population, sont également appelés les « intouchables ». Les Indiens pensent, en effet, que l’impureté se transmet. Ils évitent de toucher les Dalits de peur d’être souillés. De cette conception inhumaine découle de nombreuses et horribles discriminations : interdiction pour les Dalits d’être en contact avec l’eau et la nourriture des castes, accès aux emplois les plus dégradants (comme, par exemple, « ramasseur d’excréments »), refus de l’entrée des temples, aucune mise en œuvre de programmes de construction d’infrastructures publiques dans leurs villages, etc.
Cette exclusion douloureuse de la société indienne provoque une plus grande pauvreté chez les Dalits. La majorité n’est pas éduquée, n’a pas accès à l’eau ni à l’électricité.
Juste Terre ! : Mais que dit la loi à leur sujet ?
Nicolas Casale : La constitution indienne, adoptée il y a 68 ans, déclare illégale la pratique de l’intouchabilité et les discriminations de castes. En outre, de nombreuses lois et politiques visant à lutter contre ces inégalités existent. Toutefois, au vu de la force des traditions, la constitution n’est que peu appliquée sur ce point et l’exclusion continue à faire partie du quotidien des Dalits.
Juste Terre ! : Quels sont les types de discrimination subies par les enfants dalits ?
Nicolas Casale : Certains enfants dalits n’ont, par exemple, pas le droit de manger à la cantine avec les autres enfants (ils craignent qu’ils contaminent la nourriture !). Ils ne peuvent pas non plus jouer avec eux.
Certains enseignants refusent
même de donner cours aux enfants dalits ou ignorent leur présence au sein de la classe.
Les autorités refusent parfois également d’allouer aux Dalits des bourses d’études.
Les jeunes filles sont encore plus discriminées à cause de leur statut de femme et subissent plus fréquemment des violences sexuelles.
Juste Terre ! : Pourquoi Entraide et Fraternité soutient-elle une organisation partenaire dans l’État du Bihar ?
Nicolas Casale : Le Bihar, composé de 16 millions de Dalits, fait partie des États les plus pauvres de la fédération indienne. Les zones rurales sont composées de terres arides où il est difficile de cultiver la terre, ce qui diminue encore davantage les possibilités de développement socioéconomiques de la population. Ce contexte de pauvreté accroît les discriminations vécues par les Dalits.
Juste Terre ! : Pourquoi se focaliser ici sur les droits des enfants ?
Nicolas Casale : Les Dalits sont très pauvres et marginalisés car ils souffrent d’un manque d’éducation et ne sont pas conscients qu’ils ont le droit de vivre dignement. En outre, les discriminations vécues par les enfants leur font souvent abandonner l’école avant l’âge de 14 ans.
Le soutien scolaire est primordial afin d’améliorer les conditions de vie futures des Dalits.
L’éducation et la sensibilisation aux droits de l’enfant sont également le point de départ pour un changement de mentalité des Dalits. Il est essentiel de leur faire prendre conscience qu’ils ont des droits avant qu’ils n’intègrent définitivement les valeurs inhumaines prônées par le système des castes.
Ces jeunes pourront accéder à un meilleur emploi mais ils pourront aussi lutter contre les injustices sociales et enseigner aux autres jeunes que leur avenir n’est pas tracé !
Juste Terre ! : Quelles sont les réalisations du CSEI, notre partenaire en Inde ?
Nicolas Casale : Cette association met en place des activités de sensibilisation et d’éducation aux droits de l’enfant : d’une part, des espaces de discussion où les enfants dalits peuvent s’exprimer sur les injustices vécues au quotidien et comprendre qu’ils ont des droits et, d’autre part, des spectacles (marionnettes, théâtre, chant, etc.) animés par les enfants euxmêmes afin d’interpeller leurs camarades sur leurs droits, etc.
Le CSEI met également en place des écoles de devoirs (notamment parce que beaucoup d’enfants n’ont pas d’électricité chez eux pour faire leurs devoirs après l’école) et des « maisons de quartier » où les enfants dalits peuvent apprendre l’informatique, l’anglais ou encore pratiquer des activités sportives et culturelles (jeux, danse et chant), etc.
Juste Terre ! : Quel est l’impact du soutien d’Entraide et Fraternité ?
Nicolas Casale : Les enfants dalits soutenus par le partenaire CSEI ont une meilleure réussite scolaire. Mais outre cette réussite, les enfants prennent confiance en eux, ils comprennent qu’ils ont le droit de vivre dignement. Ils se mobilisent également pour que leurs droits soient respectés, qu’ils puissent bénéficier des mêmes droits que les autres enfants.





Tags : Inde Dalits

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