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7 juillet 2013  Archives des actualités

Siège des Nations Unies

Évaluer les Objectifs du Millénaire pour le Développement à l’ONU

Des personnes en situation d’extrême pauvreté ont présenté au siège des Nations Unies leurs propositions pour de nouveaux OMD.

Compte-rendu et témoignage de Claude Mormont

Fin juin 2013, au siège des Nations Unies, des personnes en situation d’extrême pauvreté ont présenté leurs propositions pour de nouveaux Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Des objectifs mis en place en 2000 pour réduire de moitié l’extrême pauvreté d’ici 2015.

Parmi ces personnes, une délégation belge composée de personnes d’ATD Quart- Monde et de Lutte Solidarité Travail. Claude Mormont, directeur du département international à Entraide et Fraternité, était présent avec elles. Ces personnes ont confronté leurs avis à ceux d’universitaires, de représentants de gouvernement et de la communauté internationale. Cet événement est la conclusion de trois ans d’un programme d’action recherche participative mené dans 12 pays.

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La délégation belge

Je suis reconnaissant à ATD Quart-Monde d’avoir invité Entraide et Fraternité à cette rencontre et à Entraide et Fraternité d’avoir accepté ma participation. Ce ne sont pas des mots. Dès le premier jour, j’expérimente ce que j’avais déjà expérimenté lors de la rencontre préparatoire à Bruxelles, en janvier : cette rencontre apporte une réflexion indispensable sur les OMD et la suite à leur donner, sur le développement, en général et son efficacité, en particulier. Et ce, tant à la réunion officielle que lors des rencontres informelles.

Je vous présente d’abord la délégation belge : Andrée Defaux, militant à Lutte Solidarité Travail (Namur), Didier Clerbois, militant Quart-Monde (Charleroi), Thierry Viard, volontaire permanent d’ATD (Bruxelles), chargé des relations internationales.

Nous rencontrons des délégations de Madagascar, France, Pérou, Bolivie, Bengla Desh, Etats-Unis, Burkina Faso (une délégué burkinabé, militante de longue date, n’a pas - et, c’est inadmissible ! - obtenu son visa).

A 5 ans, je me suis retrouvé dans la rue

Connaître quelques langues aide. Je me fais réquisitionner par Marlon, militant de Boston, pour poursuivre la traduction d’une discussion entamée avec Juan-Carlos(Bolivie). Marlon questionne Juan-Carlos sur ses cicatrices. Juan-Carlos explique : "A 5 ans, je me suis retrouvé dans la rue. Je ne connais ni mon père ni ma mère. Les cicatrices sont des traces de la violence de la rue. Jusqu’il y a 5 ans, je n’avais ni certificat de naissance ni papiers d’identité."

Lors de la rencontre ce matin, Juan-Carlos avait pris la parole pour insister que les démarches de lutte contre la pauvreté se doivent d’aller à la recherche des plus abandonnés. Son expérience nourrit aujourd’hui son engagement et a aiguisé son regard et forgé sa réflexion : comment penser un développement juste, sans l’apport de personnes comme lui, engagées dans des espaces de réflexion et d’engagement collectifs ?

Plus tard, je parle avec Justin (Burkina Faso) de son engagement depuis des années avec ATD et les enfants rencontrés dans la rue de Ouagadougou et la "Cour aux cent métiers". Il parle surtout des liens recréés progressivement entre des enfants et leurs parents restés dans les villages. Non pas de liens recréés rapidement, au risque que cela reste éphémère, mais une démarche patiente et progressive, au rythme des uns et des autres. Des liens solides se recréent ainsi et la communauté retrouve un enfant qui l’avait quittée. C’est une victoire d’où elle sort plus forte.

Cette rencontre fait réfléchir à l’efficacité. Justin disait que les travailleurs sociaux, qui rencontrent les enfants, essaient aussi de les ramener dans les villages mais ils doivent prester des résultats et sont obligés d’aller vite. Le plus souvent, les enfants ramenés au village sans préparation suffisante repartent. C’est un échec de plus pour tout le monde. N’y a-t-il pas là deux modèles d’efficacité ? Celui des travailleurs sociaux est le plus répandu. On est tenu à prester des résultats dans un délai donné et prévisible. Tout le modèle d’efficacité axé sur les résultats est basé là-dessus.

Face à certaines réalités humaines cependant, rien ne dit qu’il soit au bout du compte plus efficace que le modèle basé sur la rencontre et la patience. Et l’appropriation des résultats, leur durabilité aussi, ne paraissent pas forcément plus faibles dans le modèle généralement considéré moins efficace, bien au contraire. Il faudrait que les deux approches puissent être confrontées pour créer des espaces de remise en cause du modèle dominant. L’efficacité du développement y gagnerait.

Au terme de deux jours de rencontres préparatoires entre les délégations et avec des universitaires et d’autres organisations de la société civile (Participate, Social Watch notamment), tout le monde s’est retrouvé au siège des Nations Unies pour une matinée de travail avec divers responsables concernés par les OMD et l’agenda post 2015.

Le contenu des interventions est disponible par ailleurs. La délégation belge, par la voix d’Andrée Defaux (LST - Namur), a fait écho aux éléments clés du séminaire préparatoire qui avait eu lieu au Comité des Régions de l’UE ; en janvier dernier. Andrée concluait son intervention en rappelant quelques attentes par rapport à l’agenda post 2015. Sandrine (Burkina Faso) et Juan-Carlos Balthazar (Bolivie) sont aussi intervenus pour donner des échos des séminaires régionaux réalisés chez eux. Juan Carlos a fait se lever toute la salle en appelant avec vigueur et émotion à prendre au sérieux les attentes de changement des plus pauvres.

Xavier Godinot, responsable de l’étude sur les OMD pour ATD Quart-Monde, a résumé dans son intervention les principaux constats et les attentes post 2015, faisant écho à l’intervention d’Andrée Defaux.

Les interventions des autres organisations allaient dans le même sens et les responsables présents ont pris l’engagement de donner suite. Certains éléments semblent déjà avoir été pris en compte, comme la volonté d’atteindre tout le monde (et de ne pas se contenter d’un objectif de 50 % qui crée une forte division entre pauvres), la nécessité de trouver d’autres définitions de la pauvreté que le seuil monétaire de 1 ou 2 dollars…

En évaluant la rencontre, les participants ont exprimé clairement que faire entendre la voix des plus exclus au cœur des Nations Unies est, certes, un pas important mais que tout reste ensuite à faire. Car sans vigilance et pression constantes, rien ne changera.

En revanche, ils exprimaient qu’une telle rencontre apporte aux participants, et aux centaines de personnes qui ont participé au processus, un renouveau de force, de courage et de conscience, notamment grâce à la qualité des échanges entres pays.

Une autre victoire est aussi l’implication dans la démarche de divers secteurs de la société civile. A ce titre, la participation d’Entraide et Fraternité constitue aussi un élément novateur et il est certain que nous avons tout à gagner à créer des liens et des synergies entre cet événement à New-York et surtout le travail qui le rend possible et une démarche comme celle de la CIDSE qui cherche à faire émerger un changement de paradigme pour le développement.

Claude Mormont,
directeur du département international, à Entraide et Fraternité





Tags : CIDSE ONU OMD

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