Défenseur des pauvres, Mgr Romero sera canonisé dimanche à Rome
Dimanche 14 octobre à Rome, le pape François procédera à la canonisation de Mgr Oscar Romero, archevêque de San Salvador assassiné en pleine messe le 24 mars 1980 pour s’être placé du côté des plus faibles. Une figure importante pour Entraide et Fraternité, qui a été fortement marquée par la théologie de la libération sud-américaine.
Au fronton de l’abbaye de Westminster, à Londres, comme celles d’autres martyres protestants, anglicans, catholiques ou orthodoxes, la statue de Mgr Oscar Romero est la plus contemporaine de la série des « 10 personnalités martyres du XXe siècle » assassinées au nom de leur foi. Béatifié par le pape François en 2015, il sera, dimanche, canonisé en compagnie de Paul VI, pape de 1963 à 1978.
Le 24 mars 1980, alors qu’il prononçait une messe dans une chapelle d’hôpital de la capitale salvadorienne, l’archevêque de San Salvador était abattu d’un coup de fusil. La veille, à la Basilique de San Salvador, il avait, dans son sermon, exhorté les militaires à mettre fin à leurs exactions, commises dans le cadre de la guerre civile (contre la guérilla communiste) qui venait de commencer : « Un soldat n’est pas obligé d’obéir à un ordre qui va contre la loi de Dieu. Une loi immorale, personne ne doit la respecter. Il est temps de revenir à votre conscience et d’obéir à votre conscience plutôt qu’à l’ordre du péché. Au nom de Dieu, au nom de ce peuple souffrant, dont les lamentations montent jusqu’au ciel et sont chaque jour plus fortes, je vous prie, je vous supplie, je vous l’ordonne, au nom de Dieu : arrêtez la répression ! »
Un véritable choc dans ce petit pays d’Amérique centrale : ses funérailles seront suivies par 350.000 personnes et si son assassin ne sera jamais retrouvé, la commission d’enquête démontrera la responsabilité des escadrons de la mort pourchassant les opposants de gauche et les prêtres défenseurs de la théologie de la libération. Romero était une figure de la lutte contre la pauvreté, l’injustice sociale, la torture, la dictature salvadorienne et le soutien américain à celle-ci. Cela lui avait valu notamment le titre de docteur honoris causa à la KUL : « Le monde des pauvres nous apprend que la libération arrivera non seulement quand les pauvres seront les destinataires privilégiés des attentions des gouvernements et de l’Église, mais bien quand ils seront les acteurs et les protagonistes de leur propre lutte et de leur libération en démasquant ainsi la dernière racine des faux paternalismes, même ceux de l’Église », dira-t-il à Louvain, un mois seulement avant son assassinat.
Mais le plus étonnant dans le cas de Mgr Romero est qu’il n’a pas toujours été un tenant d’une vision progressiste de l’Église : lors de sa nomination comme archevêque, il était perçu comme conservateur, proche de l’Opus Dei et du pouvoir en place. C’est l’assassinat, en mars 1977, de son ami jésuite Rutilio Grande qui, selon ses propres mots, le « convertira » : « Quand je vis Rutilio, étendu mort, j’ai pensé que s’ils l’avaient tué pour ce qu’il avait réalisé, alors moi aussi j’avais à avancer sur le même chemin. » Il deviendra alors un inlassable défenseur des droits de l’homme, et spécialement des paysans de son diocèse, un prélat en phase avec son temps, affirmant : « Nous ne pouvons isoler la parole de Dieu de la réalité historique dans laquelle elle est dite. » Il n’est pas étonnant que le pape François soit celui qui rende à Mgr Romero un rôle central dans l’histoire récente de l’Église.