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Lettres, déclarations, communiqués

Haïti : la sécurité alimentaire en péril

La Coordination Europe Haïti souhaite exprimer sa profonde inquiétude et son soutien aux organisations paysannes après l’arrêté présidentiel du 8 février 2021.


La CoEH a été alertée par l’association SOFA – Solidarite Fanm Ayisyen – de l’accaparement des terres qui lui avaient été concédées par l’Etat haïtien et qu’elle exploitait depuis 2017.

Vingt-quatre heures après la fin de son mandat, Jovenel Moïse a signé un arrêté présidentiel qui fait de la Savane-Diane, à Saint-Michel-de-l’Attalaye, une zone franche agro-industrielle. Cet arrêté destine au moins 8 000 ha de ce territoire à la production de Stevia, édulcorant utilisé dans la fabrication de Coca-Cola sans sucre.

Dans ce pays où 46 % de la population se situe en phase 3 (crise alimentaire) ou en phase 4 (urgence)[[Bulletin : Panier alimentaire et conditions de sécurité alimentaire, Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire, janvier 2021]] pour l’insécurité alimentaire, cet acte dont le seul fondement juridique est la décision de Monsieur Moïse de se maintenir au pouvoir au-delà de la fin de son mandat de Président soustrait à la production alimentaire des terres parmi les plus fertiles du pays. Les 25.000 ha de la Savane Diane couvrent environ 2,5 % de la surface agricole d’Haïti et ont été classés par le Ministère de l’Agriculture parmi 5 domaines garantissant l’autosuffisance alimentaire du pays[[Note de protestation de la SOFA contre le projet de zone franche à Savane-Diane, 22/02/2021]].

Non seulement ce changement d’affectation fragilise fortement la sécurité alimentaire du pays, mais, par les expulsions d’agriculteurs qu’elle entraîne, il impacte également très durement les familles qui vivent sur le territoire concerné et qui tirent leurs revenus et leur alimentation de l’agriculture. Selon l’Institut National de la Réforme Agraire (INARA), les terres concernées sont propriété de l’Etat, même si des intérêts privés haïtiens revendiquent cette propriété en vertu d’anciens droits de concession, mais échus faute d’une mise en valeur. Il convient de rappeler que les conflits fonciers dans le nord du pays ont souvent provoqué des flambées de violence.

Ce détournement d’excellentes terres agricoles destinées à nourrir la population vers une production d’exportation, prive de nombreuses familles paysannes de leur seul moyen de subsistance, et risque d’allumer un conflit local. C’est un acte de violence contre le peuple Haïtien et contre ses paysans, porté par un pouvoir illégitime. Ce décret présidentiel illégal doit être dénoncé.

Claude MORMONT
Coordinateur CoEH
+32 497 239049
info@coeh.eu

# Droit à l’alimentation # Droits de paysans