

Accompagner les communautés rurales pour qu’elles deviennent fortes, solidaires, novatrices et combatives.
Telle est l’ambition de l’Institut culturel Karl Levêque (ICKL). L’ICKL cherche à renforcer les groupes de base et les petits paysans dans leur lutte pour la justice, à travers des formations, l’accompagnement et l’appui économique.
80 % de la population haïtienne vit sous le seuil de pauvreté et la crise économique ne permet plus de garantir la sécurité alimentaire des cultivateurs. Alors que la pauvreté et le manque d’accès aux services de base (éducation, santé, eau, électricité…) accablent les communautés rurales, l’ICKL soutient des organisations paysannes de base pour l’amélioration de leurs conditions de vie. Il s’attache aussi à renforcer le mouvement populaire, tant au niveau de son organisation et de ses activités que dans sa capacité d’influence politique.
Comment ? « En aidant d’abord les membres des associations à réfléchir sur les causes et les mécanismes de perpétuation de leur pauvreté. », explique Raoul Vital, le coordinateur des programmes de l’ICKL. À cet effet, des lieux d’échanges et d’éducation permanente sont organisés via des ateliers de réflexion, des séminaires, des débats…
En plus de cet espace de réflexion, l’ICKL prévoit un encadrement sur le terrain : « Il faut aussi aider ces associations locales à développer des activités sociééconomiques qui ne reproduisent pas le modèle économique actuel dominant », poursuit Raoul Vital. Les paysans investissent toute leur énergie dans des projets agricoles qui profitent à l’ensemble de la collectivité. L’ICKL encadre des projets de jardins collectifs, de coopératives d’élevage, de boutiques communautaires, de systèmes de cotisations pour constituer des crédits ou autres fonds.
L’ICKL appuie donc ces organisations paysannes, mais dans une logique d’économie solidaire. Un modèle économique fondé sur des valeurs empreintes de solidarité et de respect mutuel, qui permet de procurer un niveau de bien-être satisfaisant à chacun des acteurs de la société et qui remet en cause le système néolibéral.
Dès lors, la pratique de l’agriculture, organisée et respectueuse des valeurs culturelles et environnementales des paysans, doit mener à un meilleur niveau de vie. Comme dans cette boulangerie communautaire à Dorilas, gérée par la Coordination des militants pour le développement de la onzième et de la douzième section à Petit-Goâve Ouest, une des organisations de base accompagnées par l’ICKL. Depuis une dizaine d’années, l’ICKL encadre les 220 femmes et les 180 hommes qui composent cette petite organisation communautaire paysanne. Ici aussi, les revendications des paysans sont la construction d’une route digne de ce nom et la construction d’un centre de santé.
Trois personnes travaillent à la boulangerie pour la fabrication et la cuisson du pain. « Ce sont les femmes des communautés avoisinantes qui viendront acheter ce pain à crédit pour le revendre au marché, insiste Mirlande, la trésorière de la Coordination. Elles en tireront un petit bénéfice. Dans les moments de soudure, les paysans consomment beaucoup de pain avec des avocats ». En une matinée, ce sont pas moins de 288 baguettes et boules de pain qui sortent du four de l’organisation.
A côté de la boulangerie, on trouve une radio communautaire et des salles de réunion et de formation. La radio communautaire est animée grâce au matériel et aux émissions enregistrées par la SAKS (Société d’animation et de communication sociale). Cette organisation offre un service de formations techniques et théoriques en communication populaire. Elle a lancé un réseau de radios communautaires pour favoriser les échanges d’expériences vécues. Ces émissions ont beaucoup de succès et les animateurs reçoivent parfois plus d’une centaine d’appels lors de leur diffusion. Des thèmes comme l’accès aux semences, la responsabilité des autorités locales, les lois haïtiennes sur les terres à cultiver sont abordés. « Et cela peut concrètement aider les paysans à revendiquer leurs droits, explique Mirlande. Nous avons ainsi demandé au cazek, le dirigeant de la plus petite entité locale (autorité la plus proche des communautés paysannes), de venir s’expliquer sur les ondes quant au non-respect de reçus valables lors de la vente de bétail. Il est bon que le cazek sache que, désormai, nous sommes vigilants et que diriger, cela signifie, pour nous, avoir des ambitions pour l’ensemble de la communauté et aussi les réaliser. »
Soutenu dans le cadre du programme DGD d’Entraide et Fraternité.