

Le 23 juillet 2014, Tèt Kole ti peyisan a déclaré que les paysans haïtiens étaient désormais en situation de légitime défense.
Le 23 juillet 2014, Tèt Kole ti peyisan, l’un des trois mouvements paysans haïtiens membres du réseau Via Campesina, le grand syndicat paysan, a déclaré que les paysans haïtiens étaient désormais en situation de légitime défense [[Lire l’analyse de Frédéric Thomas Haïti : un modèle de développement anti-paysan, 2014.]].
« La terre, pour nous, paysans, c’est la vie. Attaquer nos terres, c’est nous poignarder le cœur. Nous chasser et s’emparer de nos terres, c’est déclarer une guerre ouverte à tous les paysans », souligne Vena Jean, une dynamique membre de la direction nationale de Tèt Kole ti peyisan (TKTPA).
« Attaqués de toute part, nous nous sentons en état de légitime défense » a déclaré le syndicat paysan lors de son rassemblement annuel, le 23 juillet dernier. Ce rassemblement commémore l’assassinat de 139 paysans, en 1987, à Jean-Rabel.
L’organisation paysanne évoque des tentatives d’expropriation dans le nord-ouest – l’Ile-à-Vache, l’Ile de la Tortue et St Raphael. Elle parle de « guerre criminelle » pour qualifier les démarches entreprises par l’administration du président Martelly pour s’accaparer des ressources minières et des terres les plus fertiles des paysans au profit des grandes multinationales. TKTPA appelle, dans une note, les paysans de toutes les régions du pays à prendre les dispositions nécessaires « pour se défendre » et contrecarrer ces démarches. Elle souligne que les ressources minières sont des « réserves pour assurer le développement du pays au profit du peuple haïtien ».
Tèt Kole est une organisation paysanne implantée dans huit départements, qui a l’intéressante particularité, au-delà de la défense des petits producteurs, de défendre et de mettre en valeur l’identité paysanne haïtienne. Elle est issue du processus d’organisation des communautés rurales de base par l’Église dans les années ’70, dans le nord-ouest. Ce processus d’organisation a souffert d’une sanglante répression, en particulier, à Jean-Rabel, en 1987. Le mouvement compte 80 000 membres.
Tèt Kole revendique l’obtention d’appuis concrets par l’État et l’élaboration de politiques publiques soutenant l’agriculture paysanne et renforçant la souveraineté alimentaire d’Haïti.
A cette fin, les membres de Tèt Kole mettent en place des rencontres entre organisations et réseaux d’organisations paysannes. Manifestations, marches, pétitions, lettres ouvertes, sittings sont autant d’outils politiques qui sont utilisés. Ainsi, Tèt Kole Marigot a participé à des manifestations à Port-au-Prince pour dénoncer des projets d’agrocarburants. Localement, certains de leurs membres sont même allés en prison lorsqu’ils ont revendiqué un terrain pour construire une école pour leurs enfants.
Plus de 80 % de la population des zones rurales vivent essentiellement de l’agriculture et de l’élevage. Les paysans, avec leur motivation et leur grande capacité à travailler et résister, constituent la principale ressource pour l’économie agricole. Ils sont bien présents avec leurs traditions de travail collectif (le combit) et leurs acquis organisationnels. Pour renforcer leurs actions, il faut, là aussi, multiplier les initiatives d’économie solidaire pour permettre aux paysans de faire vivre leurs familles et dynamiser leur organisation. Cela passe par la création de banques locales pour les paysans, de moulins pour moudre les céréales. Des activités d’économie solidaire encadrées par l’Institut culturel Karl Lévêque.
La fierté d’être paysan
Tèt Kole ne se réjouit pas de constater, lors de son grand rassemblement annuel, que la situation des paysans va en s’aggravant. Les revendications des paysans liées fondamentalement au problème de la terre, de son accaparement par les grands propriétaires et, aujourd’hui, par des entreprises étrangères ne changent pas. Mais alors que, jadis, les paysans se déclaraient chômeurs comme si la production alimentaire n’était pas un métier en soi, ils sont aujourd’hui fiers d’être paysans et de défendre leurs droits.
Soutenu dans le cadre du programme DGD d’Entraide et Fraternité.