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Mis à jour le 09 Jan. 2024.

Pistes de célébrations

Campagne de Carême
De la recherche des minerais à la recherche de la sagesse
Public : Eglise/paroisse

En cette année où le thème d’Entraide et Fraternité est l’extraction minière en RDC Congo, je voudrais proposer à votre méditation une superbe poésie : le chapitre 28 du livre de Job. Il est entièrement centré sur l’extraction minière et il oppose à celle-ci la sagesse elle-même. Les premiers versets constatent le travail acharné que l’on abat pour creuser la terre et en extraire les minerais. Ils évoquent le travail des mineurs et la dangerosité de leur travail. Ils soulignent le défi que représente cette exploitation pour la terre elle-même :

  • Il y a une mine pour l’argent, un lieu pour l’or que l’on affine.
  • Le fer est tiré du sol, et le cuivre s’obtient d’une pierre fondue.
  • On met fin aux ténèbres, jusqu’au tréfonds on fouille le charbon obscur et sombre.
  • On creuse une galerie à l’écart des habitants. Ignorés des passants, les mineurs sont suspendus ; loin de tout être humain, ils oscillent.
  • La terre d’où sort le pain est bouleversée en ses entrailles comme par un feu.

Un second paragraphe évoque le mystère de cette exploitation, les merveilles qu’elle recèle et le secret qu’elle comporte :

  • Ses pierres recèlent des saphirs et l’on y voit des poussières d’or.
  • Sentier qu’ignore le rapace, que l’oeil du vautour n’a pas aperçu.
  • Les fauves orgueilleux ne l’ont pas foulé, le lion n’y est jamais passé.

Le troisième alinéa évoque le travail du mineur, travail dangereux et audacieux :

  • Sur le silex le mineur a porté la main, il a bouleversé les montagnes par la racine.
  • Dans les rochers il a percé des galeries, et tout ce qui est précieux, son œil l’a vu.
  • Il a colmaté les suintements des fleuves, et amené au jour ce qui était caché.

Face à ces défis, à ces enjeux et à ces mystères, le livre de Job pose la question du mystère de la sagesse. Est-elle aussi cachée que les minerais ? Est-elle dans l’ingéniosité des chercheurs ? Estelle dans les gains des exploitants ? Est-elle oubliée ? Est-elle perdue ?

  • Mais la Sagesse, où la trouver ? L’Intelligence, quel est son lieu ?
  • L’homme n’en connaît pas la valeur, elle ne se trouve pas sur la terre des vivants.
  • L’Abîme a dit : “Elle n’est pas en moi.” Et la Mer a déclaré : “Elle n’est pas chez moi.”

À la réflexion, la sagesse vaut plus que tout l’or du monde. Elle est ailleurs que dans la richesse et dans l’exploitation, y compris l’exploitation en Nubie, la haute vallée du Nil, proche de la RDC. Quelle est le prix de la sagesse ?

  • On ne peut l’échanger contre de l’or massif, ni peser l’argent pour son prix.
  • L’or d’Ophir ne saurait la payer, ni la cornaline précieuse, ni le saphir.
  • Même l’or et le verre ne peuvent l’égaler ; on ne l’obtiendrait pas contre un vase d’or fin.
  • Corail et cristal, n’en parlons pas ! Mieux vaut recueillir la Sagesse que les perles !
  • La topaze de Nubie ne l’égale pas, et l’or pur ne saurait la payer.

Si la sagesse vaut plus que l’or et les pierres précieuses, la question se pose de savoir où la trouver, où la chercher ?

  • Mais la Sagesse, où la trouver ? L’Intelligence, quel est son lieu ?
  • Elle a été cachée aux yeux de tout vivant, et dissimulée à l’oiseau du ciel.
  • L’Abîme et la Mort ont dit : “Nos oreilles ont perçu sa renommée.”

Dieu donne une réponse. Il sait où est la sagesse, car elle fait partie de la nature créée par lui :

  • Dieu en a discerné le chemin ; il a su, lui, où elle était.
  • Lorsque du regard il atteignait les confins de la terre et voyait partout sous les cieux,
  • pour régler le poids du vent et fixer la mesure des eaux,
  • lorsqu’à la pluie il assignait sa limite, et son chemin au nuage qui tonne,
  • c’est alors qu’il la vit et l’évalua, qu’il l’établit et même l’explora. Dès lors, il la révèle à l’être humain :
  • Puis il dit à l’homme : “La crainte du Seigneur, voilà la Sagesse, s’éloigner du mal, voilà l’Intelligence.” »

La sagesse est donc cachée dans le mystère de Dieu ; pour la trouver, Dieu nous invite à nous écarter du mal et à mettre en lui sa confiance.

Cette réflexion est très actuelle. Elle nous montre d’abord combien l’exploitation du sous-sol, spécialement en Afrique, est ancienne et combien cette problématique est ancrée au coeur de nos civilisations, dont témoigne le livre de Job écrit il y a deux mille cinq cents ans. À partir des défis de l’exploitation des sous-sols, le livre de Job pose la question de la pertinence de ces activités. Il se demande si la recherche humaine, si ingénieuse et si investie en matière d’exploitation minière, ne serait pas mieux placée dans une recherche plus utile, la recherche de la sagesse. Celle-ci consiste en une critique implicite des recherches matérielles et de l’appât du gain qui en résulte. Elle propose une recherche spirituelle qui soit aussi ingénieuse et passionnée que la recherche des ressources naturelles. Elle propose de découvrir la sagesse dans la recherche du bien. La sagesse est un chemin (cf. verset 23), elle est même l’objet d’une exploration par Dieu lui-même (cf. verset 27). Finalement elle se trouve quand on cherche Dieu, avec respect et étonnement, ce que l’auteur appelle « la crainte de Dieu » (cf. verset 28). En effet, face aux folies de l’humanité, il n’est qu’un antidote efficace, c’est l’appui sur Dieu et sur la force de sa bonté. L’auteur biblique nous incite ainsi à prendre distance des dérives de l’exploitation minière effrénée et non contrôlée que l’on trouve partout dans le monde, spécialement en RDC, pour nous centrer sur la recherche des chemins de la sagesse et de Dieu.

Il nous incite à voir, juger et agir : voir les accaparement fonciers, la destruction des sols, les conditions abusives d’exploitation et l’appauvrissement des populations ; juger les mauvaises conditions d’exploitation des mineurs, le degré d’empoisonnement des sols, les détournements des revenus, l’intensification des conflits armés locaux ; et agir en matière de droits des travailleurs, en matière de commercialisation juste, de prévention des dégâts écologiques, de règlement de nos propres consommation, de soutien aux luttes des travailleurs pour la justice. Tout cela rejoint la Sagesse biblique et la recherche du bien.

Et comme dit Jésus dans l’évangile du 4e dimanche de Carême : « Celui qui agit selon la vérité vient à la lumière » (Jean 3,21). Et il ajoute : « Dieu a envoyé son fils dans le monde, pour que par lui, le monde soit sauvé (Jean 3, 17). Chacun de nous est invité à participer à ce salut du monde, comme nous dit l’apôtre Paul dans la lettre aux Ephésiens, lue ce 4e dimanche de carême : « C’est Dieu qui nous a faits, il nous a créés dans le Christ Jésus, en vue de la réalisation d’oeuvres bonnes qu’il a préparées d’avance pour que nous les pratiquions » (Eph 2,10). Que chacun de nous se sente investi de cette grâce et de cette mission, à travers notre engagement pour la justice et la sagesse dans l’exploitation minière : « Nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ : c’est bien par grâce que vous êtes sauvés » (Eph 2,5). Bon carême de partage à tous !

Monseigneur Delville