Vaste lac de barrage, en arrière plan le barrage en béton

Le barrage de la honte

En 2002, Tractebel, alors encore belge avant de passer sous le contrôle du groupe français Engie, a inauguré le barrage de Cana Brava, à Minaçu. Un millier de personnes ont été expulsées : seules 40% d’entre elles ont été indemnisés à hauteur de … 1000 euros pour voir leur vie engloutie. Depuis 25 ans, les victimes se battent pour obtenir réparation.

« Tractebel n’a indemnisé que les gens qui avaient un document de propriété légitime. Cela veut dire que toutes les personnes démunies qui faisaient usage de ces terres sans propriétaire pour se nourrir ou gagner leur vie n’ont rien reçu. La plupart n’ont même pas été prévenus : un jour, on est venus nous dire que l’eau montait et que nous devions partir. Nous n’avons plus rien et Engie refuse de discuter avec nous. Nous avons été contraints à aller vivre en ville, sans emploi. Pour nos enfants, le déracinement a été pire : certaines de nos filles sont tombés dans la prostitution et certains de nos fils dans la drogue et la délinquance. »

portrait d'un homme

Des mines sans scrupules

L’extraction minière est, avec l’agro-industrie, l’autre fléau du Brésil rural. Les sous-sols étant la propriété de l’État, il est d’autant plus facile de chasser les communautés agricoles de base qu’elles sont en général en attente de papiers officiels attestant de leur droit d’usage ou qu’elles sont constituées de communautés marginalisées.

« C’était particulièrement douloureux d’abandonner comme cela nos racines, surtout pour les plus âgés. Nos 83 familles quilombolas ont laissé leurs ancêtres au cimetière qui a été englouti. C’est cruel. C’est toute notre culture qui a été engloutie par le barrage. »

Dita Carvalho Gobinho, membre quilombola du MAB
Dita Carvalho victime barrage Minacu

« Nous sommes établis ici depuis 1996, 25 familles qui produisons du riz, des courgettes, du maïs, du manioc, des pastèques en suffisance et de manière biologique. Nous en donnons une partie à l’Église pour les plus pauvres et échangeons avec d’autres communautés. Un jour, une société d’extraction de métaux ou terres rares comme le lithium a dessiné une croix sur notre terrain. Et voilà que nous sommes dans la crainte d’une expulsion parce que nous n’avons pas encore reçu tous nos papiers attestant de nos droits sur ces terres. Nous ne voulons pas partir ni vendre ces terres. »

Antonio « Thor » Rezende, agriculteur de la communauté de Sao Salvador
Thor Rezende Sao Salvador
Thor Rezende Sao Salvador

La terre promise des « acampamentos »

Autour de Formosa, 280 familles sans terre vivent sur les 3 sites de l’« acampamento » (campement d’occupation) Don Tomas Balduino. Comme 150.000 autres personnes dans le pays, elles exploitent des terres promises qu’elles espèrent obtenir par la voie légale. Ce devait être le cas d’un certain nombre de terres privées devant être achetées par l’État jusqu’à ce que ces transactions soient annulées sous Bolsonaro. Transformés en camps retranchés, ces « acampamentos » sont régulièrement l’objet d’agressions des grands propriétaires.

« Nos deux communautés quilombolas voisines, Extrema et Levantado, ont appris qu’à respectivement 1,4 km et 3 km à vol d’oiseau de nos villages, la société Colbrax projette d’exploiter une carrière de calcaire. À Levantado, elle sera voisine de la plantation communautaire qui nourrit le village. On a peur de la pollution de l’air et de l’eau, de la poussière. Ici, c’est notre terre. Nous étions là avant ! Nous resterons ici. C’est notre refuge et notre patrimoine après des siècles d’errance. Regardez mon t-shirt : ‘Mon territoire, mon mode de vie, ma maison, ma famille n’ont pas de prix.’ Nos vies comptent aussi face aux richesses naturelles du sous- sol. »

Madalena Sacramento Rocha, présidente de l’association des quilombolas d’Extrema

« Voici deux mois, le fermier voisin, qui veut récupérer ses terres puisque l’État a renoncé à les lui acheter, a ouvert les grilles de ses champs d’élevage. Ses vaches sont venues détruire une partie des plantations communautaires que nous avons plantées grâce à Entraide et Fraternité. Cela nous a coûté 6.000 euros mais nous n’avons pas répliqué, nous ne sommes même pas allés voir la police. Nous savons que c’est ce qu’il cherche pour pouvoir nous chasser. Depuis 7 ans, nous résistons en plantant, en consommant, en vendant, en distribuant. C’est notre raison d’être : montrer que nous avons notre place ici, en produisant, en subvenant à nos besoins, en distribuant une partie de notre production aux quartiers pauvres.»

communautes quilombolas
Fatima Maria de Silva do Nascimento, travailleuse rurale de la zone 1 du campement Don Tomas Balduino
# Campagne de Carême 2023 # jt198