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Des banques belges réalisent des profits en temps de crise sur le dos des pays du Sud

Communiqué de presse

La coupole néerlandophone 11.11.11 publie aujourd’hui une étude intitulée « Quoi qu’il en coûte ? Analyse des dettes des pays du Sud envers les institutions financières actives en Belgique ». Réalisée en collaboration avec Oxfam Belgique, Entraide et Fraternité, le CADTM et Fairfin, cette étude met en lumière le rôle des créanciers privés dans l’endettement des pays du Sud et plus particulièrement celui des banques et des fonds d’investissements actifs en Belgique.

La part des créanciers privés dans l’endettement total des pays du Sud a fortement augmenté au cours de la dernière décennie, passant de 45% en 2010 à 60% en 2019. Elle a même été multipliée par cinq dans les pays aux revenus les plus faibles. Cette dette est particulièrement attractive pour les investisseurs privés, car elle leur offre des taux de rendements parmi les plus élevés au monde.

Mais cette tendance a un coût pour les pays du Sud. Tout d’abord, parce qu’elle les rend dépendants des fluctuations de marchés financiers internationaux particulièrement volatiles. Ensuite, parce que le manque de transparence et d’informations sur l’identité de ces investisseurs privés ainsi que sur les conditions de remboursement rend toute tentative de restructuration de la dette très complexe. Enfin, parce que les quelques initiatives limitées prises par les Etats créanciers, dont la Belgique, dans le cadre de la pandémie, pour un allègement de la dette signent pour l’heure un chèque en blanc aux créanciers privés. En effet, ces derniers sont seulement invités à y participer sur « base volontaire ». Résultat : aucune institution financière n’a pour l’heure fait le moindre geste en faveur de l’allègement de la dette.

L’étude se penche en particulier sur le cas de deux pays, le Sénégal et le Pérou. Pour le premier, la part des dettes à rembourser en 2020 était de 352 millions de dollars US, dont la moitié à destination des créanciers privés. Dans les prochaines années, il va devoir affronter de nombreux pics de remboursement, ce qui le pousse à contracter de nouveaux emprunts. Le second pays, emblématique de l’endettement des économies émergentes, est l’un de ceux qui a le plus emprunté sur les marchés privés durant la pandémie. Aujourd’hui, plus de 60% de sa dette externe est détenue par des acteurs privés.

Six institutions financières actives en Belgique, dont quatre ont leur siège social en Belgique, jouent un rôle relativement important dans l’endettement de certains pays du Sud. Il s’agit de BNP Paribas, Deutsche Bank, Degroof Petercam, Candriam, KBC Group et Ackermans & van Haaren. Ensemble, elles ont investi dans les obligations d’État de 32 pays et détiennent 8,55% de l’ensemble des souscriptions souscrites entre mars 2020 et mars 2021 dans 13 pays. Deux d’entre elles, BNP Paribas et Deutsche Bank, figurent même dans le top 10 mondial des institutions ayant souscrit des obligations durant cette période. Les remboursements qui sont prévus cette année à l’égard de ces banques sont assortis d’un taux d’intérêt de 8,75%.

Il devient urgent de questionner l’absence de responsabilisation de ces acteurs privés dans les discussions actuelles sur des mesures d’allègement de la dette.
Car si les taux de rendements sur la dette des pays du Sud sont si intéressants, c’est que le risque de non-remboursement est pris en compte. Il n’est donc pas justifiable que les pays doivent prioriser le remboursement de ces dettes à des créanciers privés plutôt que des investissements essentiels dans les services publics.

Dans un contexte où 121 millions de personnes supplémentaires sont menacées de famine et où près d’un demi-milliard d’êtres humains pourraient basculer dans la pauvreté, il est urgent de prendre des mesures fortes sur la dette. Notons que pour certains pays africains, plus de 40% de leur budget est consacré au paiement de la dette au lieu de servir à financer des dépenses publiques essentielles comme la santé.

La Belgique peut agir et s’imposer comme leader pour obliger les créanciers privés à participer aux opérations d’allégements de la dette. En juillet 2015, elle adoptait une des législations les plus progressistes dans le monde contre des fonds vautours. Dans le même sens, il est possible, et nécessaire, d’adopter une loi pour obliger les institutions financières actives en Belgique à plus de transparence et à participer aux efforts collectifs de restructuration de la dette. Ceci afin qu’elle ne fasse pas plonger les populations du Sud dans davantage d’inégalités et de pauvreté.

Contact presse :
Renaud Vivien (Entraide et Fraternité) : 0497 04 79 99

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