Protéger la liberté d’expression

Le gouvernement belge doit garantir le droit de manifestation en Belgique et mettre tout en œuvre pour faire respecter la liberté d’expression dans les pays du Sud global

Quel est le problème ?

Dans les pays appauvris du Sud, les syndicalistes, les militant∙es des droits humains et de l’environnement, mais aussi les paysan∙nes organisés qui essaient de faire valoir leur droit à la terre, sont trop souvent menacés, voire enlevés ou assassinés. Cette criminalisation des luttes collectives concerne les pays où Entraide et Fraternité a des partenaires. 

Au Nicaragua, par exemple, 3500 organisations de la société civile ont été forcées de fermer, incluant deux organisations partenaires d’Entraide et Fraternité. De plus, les processus d’autogestion des groupes communautaires avec lesquels travaillent nos partenaires sont uniquement reconnus s’ils sont organisés par des groupes du parti au pouvoir.

A Madagascar, les lanceurs d’alerte et les défenseurs des droits humains font face à des persécutions judiciaires pour avoir dénoncé des cas de corruption.

Aux Philippines, des défenseurs de l’environnement ont été menacés et même assassinés pour leur travail de protection de l’environnement, notamment contre l’exploitation minière et forestière. Les syndicalistes sont également victimes de répression. Certains sont même assassinés.

Dans l’État de Goiás, cœur historique du partenariat d’Entraide et Fraternité au Brésil, le gouverneur a promulgué en novembre 2023 une loi contre les familles vivant dans des acampamentos (campements provisoire)situés le long des routes nationales et régionales de l’État de Goiás. Cette loi menace d’expulsion sans motif judiciaire plus de 3000 familles. Comme trop souvent, ces attaques législatives s’accompagnent d’agressions physiques. En février 2024, deux acampamentos ont été attaqués et les habitations de toile et de bois des paysan·es sans-terre ont été détruites. Les auteurs de cette attaque n’étaient autres que des policiers.

En Europe et en Belgique, on assiste également à des attaques contre des libertés publiques fondamentales telles que le droit de grève et la liberté d’expression. En Belgique, le gouvernement fédéral a récemment tenté de limiter le droit de manifester via un projet de loi dit « anticasseurs », connue aussi sous le nom de « loi Van Quickenborne ». Sous couvert de lutter contre les violences durant les manifestations, cette loi portait atteinte ni plus ni moins qu’au droit de grève. Face à cette menace, syndicats et organisations de la société civile menèrent une mobilisation de longue haleine, qui culmina lors d’une grande manifestation nationale, le 5 octobre 2023 (à laquelle Entraide et Fraternité participa). La lutte fut rude mais payante. Sous pression, le gouvernement fédéral finit en effet par abandonner ce projet de loi controversé. 

Dans le même temps, des activistes pacifiques de Greenpeace ou du mouvement de désobéissance civile non-violent « Code Rouge1https://code-rouge.be/ » ont été arrêtés, parfois de façon très musclée, et poursuivis en justice au nom de lois anti-terroristes ou anti-immigrés. Epinglons aussi les piquets de grève cassés par les huissiers devant les magasins Delhaize ; l’augmentation des arrestations préventives d’activistes ; les procès d’activistes climatiques et pour la souveraineté alimentaire ; les procédures-bâillons connues également sous le nom de SLAPP2Acronyme de « Strategic Lawsuits Against Public Participation ». auxquelles font face certains journalistes, militants et ONG.

Rappelons qu’en 2022, Entraide et Fraternité et FIAN Belgique ont été menacées de plainte pour injure et diffamation par l’entreprise PHC, suite à la publication sur nos sites internet d’une déclaration commune co-signée par 30 organisations de la société civile. Dans sa lettre de mise en demeure, l’avocat de l’entreprise nous demandait explicitement de nous abstenir à l’avenir « d’adopter une attitude préjudiciable à l’égard de ma cliente et des membres de son personnel ». Un tel avertissement est inacceptable car il dépasse largement le cadre de loi et constitue une entrave certaine à la liberté d’expression3https://entraide.be/publication/mise-en-demeure_nous-ne-nous-tairons-pas/.

Face à la criminalisation de la contestation non-violente, il est urgent que de réelles mesures soient prises pour protéger les défenseur.euse.s de droits humains et de l’environnement. Comme le souligne Mary Lawlor – Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des défenseur·euse·s des droits humains, « Cette situation ne peut plus être tolérée. Afin d’atténuer et d’éviter autant que possible les effets dévastateurs du changement climatique, de la perte de biodiversité et de la dégradation de l’environnement, ayant tous un impact sur le droit à l’alimentation, les États doivent considérer les défenseur·se·s des droits humains comme des allié·e·s. Ils doivent collaborer ensemble, les protéger et les soutenir »4https://www.fian.be/Preface-2149?lang=fr.

Que demandons-nous à la Belgique ?

  1. Soutenir publiquement et/ou financièrement les organisations de la société civile dans les pays du Sud et mettre en place des mécanismes effectifs de protection et de soutien des défenseurs/euses des droits humains et de l’environnement. Cette protection devrait inclure la possibilité de faciliter leur accès rapide au territoire belge et européen en cas de menaces pour leur sécurité et celle de leur famille.
  2. Défendre les défenseur·euse·s des droits humains et de l’environnement, les syndicalistes et les mouvements sociaux dans ses contacts diplomatiques et utiliser tous les leviers possibles pour faire pression sur les pays concernés afin de mieux les protéger
  3. Adopter et soutenir les mesures nécessaires au niveau belge, européen et international pour empêcher les poursuites-bâillon.
  4. Garantir en Belgique la liberté d’expression

Besoin de plus d’informations ?

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    https://code-rouge.be/
  • 2
    Acronyme de « Strategic Lawsuits Against Public Participation ».
  • 3
    https://entraide.be/publication/mise-en-demeure_nous-ne-nous-tairons-pas/
  • 4
    https://www.fian.be/Preface-2149?lang=fr
# criminalisation des luttes