Le M23 a poursuivi ces derniers jours son avancée dans l’Est de la RD Congo. Après le Nord-Kivu, les rebelles ont pris Bukavu, la capitale du Sud-Kivu, ainsi que de nombreuses autres villes et villages de la région.
Entraide et Fraternité, inquiet pour ses partenaires et les milliers de familles paysannes qu’ils accompagnent chaque jour dans leur lutte pour la sécurité alimentaire, a reçu des nouvelles de Clément Bisimwa, coordinateur local d’Entraide et Fraternité au Sud-Kivu.
Quelle est la situation aujourd’hui ?
Les populations sont abandonnées à leur sort suite à la fuite de l’armée et des autorités face au M23. A Bukavu, comme dans les autres villes conquises par les rebelles, on assiste à des scènes de pillages. Les marchés, les magasins et même un dépôt du Programme Alimentaire Mondial ont été pillés. Les habitants du Sud-Kivu essaient d’échapper aux combats et à l’insécurité, ce qui crée des déplacements massifs de population.
Quel est l’impact sur les communautés paysannes accompagnées par les partenaires d’Entraide et Fraternité ?
L’impact est énorme.
Des dizaines de familles de la coopérative Chegera (Katana), accompagnée par l’APEF, ont dû fuir leur terre et leur maison à cause des combats. Elles ne savent pas quand elles pourront rentrer et surtout si tout n’aura pas été détruit.
Dans les zones de Kamanyola et Luvungi, où est située la coopérative agricole Mapendo, la grande partie de la population a fui au Burundi. On n’a aucune nouvelle depuis des membres de la coopérative. Outre notre inquiétude pour leur survie, il est à craindre que les équipements (décortiqueuse de maïs, moulin à manioc, etc.) aient été saccagés et les récoltes pillées.
Dans d’autres endroits comme à Uvira, où CHANGE est actif, certaines cultures qui étaient prêtes pour la récolte ont péri dans les champs car il est impossible pour les paysans de s’y rendre étant donné les opérations militaires.
Enfin, plus de 28.000 familles déplacées en provenance de Goma et Kalehe ont trouvé refuge ces dernières semaines sur l’île d’Idjwi, où est actif le CPR. Les besoins de ces familles sont énormes et le CPR peine à répondre aux demandes.
Le programme est-il à l’arrêt au vu de ce contexte ?
Non, on agit là partout où c’est possible.
On pare au plus urgent : l’accueil des déplacés, la fourniture d’intrants (semences et matériel aratoire de base) afin de sauver la saison agricole pour ceux qui ont accès à leurs champs, etc.
Par contre, les activités de formation, les échanges entre coopératives, etc. sont évidemment soit suspendues et reportées, soit adaptées suivant la situation dans chaque localité et les restrictions et conditions imposées par le M23.
Quel message souhaiteriez-vous passer aux personnes que vous avez rencontrées en Belgique durant le Carême 2024 ?
Nous remercions toutes les personnes que nous avons rencontrées en Belgique lors de la campagne de Carême 2024 pour leur accueil et la solidarité qu’elles ont affichée à notre égard.
Nous demandons à ces personnes de continuer de nous soutenir de tout leur cœur en dénonçant cette guerre et en sollicitant, auprès de la Belgique ainsi que des autres acteurs, plus de sanctions ciblées pour que la paix revienne à l’Est de la RD Congo.
Avant le chaos, le succès de la foire agricole
Juste avant l’avancée du M23 dans la région, la foire agricole du Sud-Kivu organisée par les partenaires d’Entraide et Fraternité (CAB, APEF, CHANGE, CPR) s’est tenue à Walungu du 23 au 25 janvier. Ayant pour thème « Agroécologie, pilier de la souveraineté alimentaire et de la protection de l’environnement », celle-ci a regroupé plus de 2.500 personnes dont des représentants du Ministère National de l’Agriculture congolais et de l’ambassade belge en RD Congo. 90% des produits (jus de fruits, farine de manioc, miel, riz, patates douces, etc.) ont été vendus. Un véritable succès ainsi qu’une grande fierté pour les communautés paysannes… avant que la guerre ne les plongent dans une situation tragique.











