Journée à Liège – en présence de Marcia Pashco 

Cette année, notre campagne de Carême a mis à l’honneur le Pérou, où la crise économique aggrave l’insécurité alimentaire. Parmi les cinq partenaires péruviens venus en Belgique à la rencontre de citoyens et d’acteurs associatifs, Marcia Pashco Mishari a partagé son expérience et son engagement en faveur de l’agroécologie et de la justice sociale.  

Originaire du peuple Yanesha, cette militante de la première heure est spécialiste de l’agroécologie et des projets de développement durable. Elle œuvre pour améliorer la qualité de vie des communautés vulnérables à travers des initiatives environnementales, culturelles et sociales. Membre de l’équipe technique du Movimiento Ciudadano Frente al Cambio Climático (MOCICC), elle coordonne un programme d’agroécologie urbaine à San Juan de Lurigancho, une réponse concrète face à la crise climatique, alimentaire et hydrique dans les quartiers périphériques de Lima. 

Le MOCICC est une plateforme de la société civile péruvienne engagée dans la lutte contre le changement climatique et la construction d’une société durable. Spécialisé dans le plaidoyer politique, il travaille auprès des autorités péruviennes pour renforcer l’ambition climatique du pays. Entraide & Fraternité soutient le MOCICC, notamment à travers La Lombriz Feliz (littéralement le ver de terre heureux), qui développe l’agroécologie urbaine dans les quartiers populaires de Lima. 

Marcia a passé deux semaines aux côtés de nos équipes locales de la région liégeoise. Nous l’avons retrouvée le 25 mars, lors d’une journée de conférences et de visites à Amay et Malmedy.  

A la rencontre de la jeunesse belge   

Ce matin-là, entre les pierres épaisses d’un ancien monastère sur les bords de Meuse, Marcia a retrouvé les bancs de l’école. Elle a d’abord rencontré les classes secondaires de l’Abbaye de Flône, avant de rejoindre l’espace Sainte-Ode, à quelques pas de là, où des jeunes participaient à une retraite spirituelle.  

Marcia a détaillé aux adolescents la philosophie et les domaines d’intervention du MOCICC au Pérou. Parmi les leitmotiv de l’organisation : « il n’existe pas de justice environnementale sans justice sociale ! » Le MOCICC érige en effet l’agroécologie comme pilier fondamental, en soutenant un modèle d’agriculture qui respecte les agriculteurs comme les consommateurs.  

Elle a également  présenté aux différentes classes le contexte social, économique, politique et territorial du Pérou. Elle s’est particulièrement penchée sur le district de San Juan de Lurigancho, l’un des plus peuplés et précaires de Lima. Marcia est directement engagée à San Juan de Lurigancho, où elle pilote des projets d’agroécologie urbaine appuyés par Entraide et Fraternité.  

Parmi les projets cités et soutenues par Entraide et Fraternité, elle a évoqué les cantines populaires qui ont vu le jour en pleine pandémie pour répondre à l’urgence alimentaire quand la population, travaillant majoritairement dans l’informel, s’est retrouvée sans revenu ni accès à la nourriture.  

Ces cantines, gérées par les femmes de la communauté, s’accompagnent aujourd’hui d’un potager collectif, dans une démarche de construction d’alternatives économiques locales et durables.   

Après les interventions, un moment dédié aux questions des élèves a permis d’aborder des sujets complexes : la place des hommes dans ces projets, le trafic foncier, le soulèvement populaire, le désinvestissement de l’Etat… Autant d’interrogations auxquelles Marcia a répondu avec pédagogie et enthousiasme.  
Une question a particulièrement touché Marcia : « Comment pouvons-nous apporter notre soutien ? » 
Marcia a répondu en rappelant l’importance de l’engagement citoyen : « On a besoin de jeunes engagés sur la question environnementale, pas seulement dans votre propre pays, mais au niveau mondial. Pour lutter contre le changement climatique, nous devons être unis (…) si toi tu partages cette info autour de toi, ça fera effet boule de neige. » 

De manière très concrète, l’école a organisé un repas solidaire le 18 avril, jour du vendredi saint. Pour l’achat d’un cornet de pâtes, les élèves participent à la campagne de dons d’Entraide et Fraternité au profit de nos partenaires péruviens.   

Après-midi :  

La journée se poursuit à Malmedy, avec la visite de Marcia dans deux asbl soutenues par Action Vivre Ensemble – People’s Place et La Pile. Une manière de créer un pont entre nos partenaires belges et péruviens.  

People’s Place est une association solidement implantée dans la vie de Malmedy.  

Créée en 2001, elle agit sur les enjeux de précarité, d’exclusion et de participation citoyenne. L’asbl accueille environ 400 personnes par an, avec des activités variées : repas hebdomadaires, cours de FLE (Français langue étrangère) , école de devoirs, ateliers créatifs, activités sportifs… 

Avec le soutien triennal d’Action Vivre Ensemble, People’s Place développe un projet d’aménagement d’un tiers-lieu éco-construit, pensé avec et pour les bénéficiaires de l’association. L’objectif est de construire cet espace pour en faire un lieu collectif, ouvert et participatif. 

Une rencontre Nord-Sud qui a du sens : 

 
People’s Place connaît bien Entraide et Fraternité et Action Vivre Ensemble : l’asbl a déjà accueilli des volontaires et a rencontré nos partenaires de la RDC et du Brésil lors de nos campagnes précédentes. Notre partenariat, bien plus qu’un appui financier, est fondé sur des échanges et des liens durables.  

Jérémie Danheux, éducateur spécialisé et maraîcher à People’s Place, le résume bien nos relations : « C’est la troisième fois qu’on accueille des partenaires d’Entraide et Fraternité. C’est un échange réciproque. On a un partenariat financier avec AVE mais ça ne se limite pas qu’à ça. (…) Ce qui nous a intéressés, c’est l’expertise de Marcia, parce que nous sommes nous-mêmes en réflexion sur la gestion d’un espace partagé. Donc elle aurait été de n’importe quel pays, ça nous aurait intéressés (rires) ! » 

Visite sur le terrain : les deux jardins partagés 

 
La rencontre avec Marcia s’est articulée autour d’une visite des jardins de l’association. Depuis 2021, People’s Place développe des activités autour de deux terrains acquis par l’asbl, dont l’un comprend également une maisonnette. 

Ces jardins collectifs, animés par Jérémie, rassemblent une quinzaine de personnes cultivant chacune leur propre potager. D’autres participants les rejoignent ponctuellement grâce aux partenariats avec plusieurs associations de Malmedy. Au total, près de soixante personnes prennent part au projet. Quelques classes d’école viennent mettre les mains dans la terre.  

Au-delà de la production, l’ambition est d’ouvrir la réflexion sur l’alimentation. Car il y a un point commun entre toutes et tous : la cuisine. Chaque association, qu’elle soit active dans le soin, l’éducation ou d’autres domaines, dispose d’une cuisine. 

Le projet pose alors des questions essentielles : comment introduire davantage de légumes et de produits locaux dans ces cuisines, qu’elles soient privées ou collectives ? Comment produire au plus près, même sur de petites surfaces ? Et comment rendre ces produits accessibles non seulement aux associations, mais aussi aux personnes en situation de précarité, qui n’ont pas les moyens d’acheter une alimentation bio et de qualité ? 

Le four à pain, futur cœur du tiers-lieu, incarne cette volonté de transformation collective autour d’un aliment universel. « Le pain réunit toutes les cultures », explique Jérémie, d’autant plus que People’s Place accueille des personnes venues de 30 à 40 nationalités différentes. Autour de ce four, des ateliers de cuisine seront organisés, invitant chacun et chacune à partager leurs savoir-faire et à découvrir l’alimentation durable. 

Une pièce de la maisonnette, actuellement en travaux de rénovation, sera consacrée à la transformation des aliments, et un système d’irrigation sera mis en place pour alimenter les jardins. Une cuve de 10 000 litres permettra de stocker l’eau nécessaire. Une verrière dédiée aux semis et aux bouturages complétera ces infrastructures, assurant une production continue et une belle diversité de récoltes. 

Après cette immersion dans les projets émergents de People’s Place, mêlant alimentation durable et inclusion sociale, la journée s’est poursuivie pour Marcia par la visite de La Pile, un tiers-lieu malmédien multiforme.   

La Pile – Mutualisation, écologie et solidarité 

Nous sommes accueillis dans un hangar de 1600 m² dans un lieu à la fois brut et bouillonnant : La Pile. A la croisée de l’associatif, de la culture et de la transition écologique, cet espace hybride respire la créativité et l’engagement. L’association y développe plusieurs axes de travail : écologie, inclusion, économie circulaire et synergies entre organisations locales. 

Action Vivre Ensemble a soutenu plusieurs projets de La Pile depuis sa création en 2021.  En 2023, nous avons soutenu le Comptoir des matériaux, un projet d’économie circulaire qui récupère des matériaux de construction donnés par des particuliers ou des entreprises, les trie et les revend à prix solidaire. En 2024, nous avons contribué à la création d’une outilthèque, un espace où les personnes en situation de précarité peuvent emprunter des outils pour réaliser des petits travaux, après une brève formation. Tous les matériaux sont issus de dons et de récup’.  

Lors de sa visite, Marcia a parcouru les multiples espaces de La Pile : des ateliers, des espaces de coworking, des lieux de convivialité. Elle s’est arrêtée au Comptoir des matériaux, où elle a échangé avec l’équipe salariée.  

Au fil de la visite, on découvre une grande cuisine, un atelier de couture, un bar, des coins dédiés aux enfants et une clinique des plantes. Le tout forme un labyrinthe coloré de matériaux, de tissus, et de bricolage. Des boules à facette suspendues, des roulottes, des chapeaux décorent les espaces. Une véritable usine à expérimentations où l’on a envie de se perdre joyeusement.  

La journée s’est conclue par une discussion entre les membres des deux associations visitées dans l’après-midi, et Marcia, réunis autour d’une table. Ensemble, ils ont discuté des enjeux de viabilité économique, de participation citoyenne, d’économie solidaire. Ils ont partagé leurs expériences, comparé leurs pratiques entre la Belgique et le Pérou.  Un moment d’écoute mutuelle et de réciprocité entre professionnels.