portrait de Renaud Vivien

De nouveaux prêts pour rembourser les anciens

Entretien

C’est toujours la même solution à laquelle on arrive : donner de nouveaux prêts pour rembourser les anciens

Présenté comme l’événement qui allait révolutionner l’approche de l’aide aux pays fortement endettés du Sud et victimes du dérèglement climatique, le Sommet pour le nouveau pacte financier mondial, fin juin à Paris, n’a accouché de rien de réellement nouveau. Responsable du service politique d’Entraide et Fraternité, Renaud Vivien décrypte ce sommet pour rien.

On a beaucoup parlé de ce sommet avant sa tenue mais… pas du tout à sa clôture. Cela veut dire qu’il n’a rien donné malgré ses grosses ambitions ?

L’idée était de dire que les pays du Sud n’ont pas assez de moyens pour lutter contre les effets du dérèglement climatique et de la perte de la biodiversité et que les pays riches et les institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale…) vont les aider. Ce qui passait aussi par une restructuration de la dette, qui avait bien été identifiée comme obstacle pour les pays en souffrance.  L’objectif annoncé était de réformer le système financier international. Mais ce n’est pas du tout ce qui s’est passé à Paris ! Au mieux, les mesures qui en sont sorties sont du réchauffé ; au pire, on poursuit toujours selon la même logique : ces pays ne peuvent plus rembourser leur dette et ce qu’on va faire, c’est leur consentir … de nouveaux prêts ! La société civile et les pays du Sud n’ont pas été très écoutés lors des travaux : ce sont encore une fois les pays du Nord qui disent comment aider ceux du Sud.

Peut-on faire un lien direct pour autant entre dette et climat ?

Le mécanisme de la dette accélère l’exploitation des matières premières et la déforestation car, pour pouvoir rembourser leur dette, les pays ont besoin d’avoir une monnaie forte et doivent exporter leurs ressources. De plus, selon l’ONU, 54 pays sont en détresse financière et, parmi eux, plus de la moitié sont parmi les plus vulnérables au réchauffement climatique. Beaucoup de pays ont vu leurs finances aggravées par une catastrophe naturelle après laquelle ils ont dû reconstruire en empruntant. C’est donc une des causes de l’endettement. Enfin, les pays du Sud consacrent aujourd’hui 5 fois plus d’argent au service de la dette plutôt qu’à la lutte contre le dérèglement climatique. C’est le cas de pays insulaires et donc vulnérables comme les Maldives, le Cap-Vert, la République dominicaine qui consacrent 40% de leur budget annuel au remboursement de la dette.

Quelles mesures ont été annoncées ?

Le gel provisoire des remboursements en cas de catastrophe naturelle, ce qui, par définition, ne vaut que pour les prêts à venir et pas pour les situations actuelles. On ne parle pas du moindre allègement de la dette dans ce cas mais juste de report des paiements. L’autre limite, c’est que seuls les États créanciers et les institutions internationales sont concernés : il n’y a pas la moindre obligation pour les banques et les fonds d’investissement qui détiennent de la dette. Raison pour laquelle nous avons participé à la rédaction d’une proposition de loi actuellement à l’étude à la Chambre et visant à inciter les créanciers privés à participer à l’effort en faveur des pays endettés.

Certains États peuvent-ils souffler ?

La restructuration de la dette de la Zambie a été annoncée. Trois pays en cessation de paiement (Zambie, Ghana, Tchad) négociaient une telle restructuration. Mais le cadre contient de telles conditions pour des pays qui « ne sont pas assez pauvres » pour y avoir droit que peu de pays le sollicitent, notamment du fait que les banques ne sont pas concernées. Du coup, les efforts des pays créanciers ne servent pas les populations locales mais les banques et les fonds qui, eux, refusent un allègement. Ces accords ne concernent donc que les États créanciers dont la Chine. La Zambie va devoir aller seule voir tous ses créanciers privés pour obtenir leur accord, ce qui ne la met pas en position de force. Un autre obstacle est que, préalablement, un pays doit avoir un accord avec le FMI qui impose toujours la même recette aussi, celle de la réduction des dépenses publiques, ici la suppression des aides aux dépenses de carburant et d’énergie, ce qui met la population dans une situation encore plus précaire.

# FMI - Fonds monétaire international