Une jeune femme, parlant dans un microphone, sa main fait un geste pour souligner sa parole
Barbara Dias do Nascimento, coordinatrice d'Agro é fogo, témoin de campagne 2023
© CPT

Les incendies ont pour but de détruire la forêt et le mode de vie indigène

Entretien

Anthropologue et historienne de formation (elle termine un doctorat sur les Mundurukus, peuple indigène amazonien de l’État du Para), Barbaria Dias do Nascimento est coordinatrice d’Agro é fogo, une articulation (nouvellement partenaire d’Entraide et Fraternité) de 35 associations réunies par la problématique des conflits ruraux dans le cadre desquels les incendies sont utilisés de manière criminelle.

Comment est née cette coalition ?

« Agro é fogo signifie ‘L’agrobusiness est le feu’. Nous avons commencé un travail d’inventaire des incendies de plus en plus nombreux au Cerrado et, en août 2019, les choses ont pris une ampleur plus importante suite au ‘Jour du feu’ dans l’État du Para, des incendies volontaires provoqués par des agriculteurs, des chercheurs d’or et des accapareurs de terre, qui ont été le point de départ des gigantesques incendies de l’Amazonie. Nous documentons et dénonçons l’usage criminel du feu qui est fait par l’agrobusiness. Entre 2019 et 2021, il y a eu 383 conflits et 92.000 familles ont été touchées dans 286 communautés différentes. Nous produisons des études et interpellons le pouvoir politique pour légiférer. Bolsonaro a interdit la publication des données satellite. Pour lui, s’il n’y avait pas de données, il n’y avait pas de déforestation ! »

Comment ces feux sont-ils devenus les instruments de l’agrobusiness ?

« Il existe deux types de feu en forêt : les feux traditionnels et les feux ‘capitalistes’. Depuis la nuit des temps, les communautés indigènes ont recours au feu traditionnel. C’est un savoir ancestral parfaitement maîtrisé pour permettre de revivifier la terre et on n’y recourt qu’à certains moments précis de l’année. Ces feux ne sont pas facteurs de dévastations ni de réchauffement climatique. En revanche, ce que l’on appelle les ‘feux capitalistes’ ne sont pas naturels, ils se produisent toute l’année et servent à dévaster les forêts au profit de l’agrobusiness. Le problème n’est pas le feu mais l’usage qu’on en fait ! »

Quel est l’objectif des « fazendeiros » (grands propriétaires) ou des « grileiros » (accapareurs de terre, souvent à des fins d’extraction) qui agissent de la sorte ?

« Il y a bien sûr le renouvellement de la terre. Mais, surtout, ces feux visent à chasser les gens, les familles, les tribus indigènes : leurs habitations et leurs plantations sont détruites. L’autre objectif est de déforester et remplacer la forêt par des élevages de bétail ou des champs de soja. C’est volontaire puisque les départs de feux sont enregistrés aux confins d’une grande propriété et que les feux coïncident avec les conflits fonciers. Cela commence par la déforestation, cela se poursuit par l’accaparement des terres et cela se termine par un véritable ethnocide avec la destruction de modes de vie indigènes voire de tribus locales. »

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Paru dans le Juste Terre ! n° 198

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# Agro é Fogo # Agrobusiness # Barbara Dias do Nascimento # Campagne de Carême 2023 # Entretien # jt198