La dette des pays du Sud

Transformer la dette en espoir

La crise de la dette, financière, est désormais conjuguée dans la plupart des pays de la planète et tout spécialement des Suds à des crises environnementale et climatique. En moyenne, les 144 économies de « pays en développement » consacrent 41,5% de leurs recettes au service de la dette. Cela signifie que la plupart de ces pays sont dans l’incapacité de rencontrer les besoins sanitaires, alimentaires, de santé, d’éducation etc de leurs populations et de répondre aux défis climatiques et environnementaux provoqués par le réchauffement climatique. A l’heure où nos gouvernements (coupes budgétaires en Europe et en Belgique, fermeture de l’agence USAid par Trump) font peser un risque existentiel sur la Coopération au développement, la résolution de la crise de la dette est absolument indispensable pour la planète et ses habitant·es.

La tradition du Jubilé, historiquement axée sur la restauration et la libération, est un appel à libérer les personnes opprimées par des dettes impayables, en leur offrant une voie et un espoir renouvelés vers la dignité humaine. En réponse à l’appel sincère du Pape François à annuler les dettes injustes – un appel qui fait écho aux principes profonds de l’année du Jubilé – Caritas Internationalis coordonne au niveau mondial une campagne relayée en Belgique par Entraide et Fraternité, en pointe sur cette thématique.

Ancrée dans l’esprit du Jubilé 2025, cette campagne défend la justice, l’équité et la solidarité en matière de dette. Au cœur de cette campagne, une pétition mondiale constitue une tactique de mobilisation de masse visant à sensibiliser au changement systémique nécessaire, en exhortant les gouvernements et les décideurs à promulguer un allègement de la dette conforme aux valeurs d’équité et de compassion qui sont au cœur de la doctrine sociale catholique.

signez la pétition pour transformer la dette en espoir

La pétition mondiale demande

Ce que nous constatons

1. La crise actuelle de la dette est mondiale

Plus de 100 pays sont aujourd’hui confrontés à une crise de la dette, et 60% de leurs dettes sont détenus par des créanciers privés, ce qui rend la résolution de la dette plus complexe.

2.    Le surendettement menace le développement

Le FMI et la Banque mondiale estiment que 60% des pays à faible revenu sont au point ou proches du « surendettement », c’est-à-dire qu’ils ne peuvent plus faire face à leurs obligations de remboursement.

3.    Le coût de la dette dépasse les dépenses essentielles

48, c’est le nombre stupéfiant de pays en développement dépensant plus pour le paiement des intérêts de la dette que pour la santé ou l’éducation, ce qui ne fait qu’aggraver les inégalités et la pauvreté.

4.    La dette au détriment de la santé et de l’éducation

Plus de 3,3 milliards de personnes vivent dans des pays où les gouvernements consacrent plus d’argent au remboursement de la dette qu’aux services essentiels tels que la santé ou l’éducation.

5.    Les pays développés alimentent l’accumulation de la dette

Plus de 80% de la nouvelle dette mondiale en 2023 provient de pays riches comme les États-Unis, le Japon, le Royaume-Uni et la France. Pendant ce temps, les pays en développement peinent à gérer le fardeau de leur dette. 

6.    Le coût de l’emprunt est injuste et insoutenable

Les pays en développement sont confrontés à des taux d’emprunt 2 à 12 fois supérieurs à ceux des pays riches, ce qui les enferme dans un cycle d’endettement.

7.    Les dettes augmentent

À la suite des prêts prédateurs, des effets économiques de la pandémie de la COVID-19 et de l’inflation mondiale, les pays sont plus endettés que jamais.

8.    La dette entrave l’action climatique

En 2023, les pays du Sud ont dépensé 12,5 fois plus pour le service de la dette que pour la lutte contre le changement climatique, les rendant vulnérables à ses effets dévastateurs.

9.    La dette alimente les inégalités dans le système financier international

L’Afrique ne détient que 2 % de la dette publique mondiale, mais elle est confrontée à des charges de remboursement disproportionnées, exacerbées par les inégalités systémiques de la finance internationale.

10.  Subventions aux combustibles fossiles vs financement de la lutte contre le changement climatique

En 12 ans, les pays riches ont dépensé six fois plus pour subventionner les combustibles fossiles que pour financer les mesures internationales de lutte contre le changement climatique en faveur des pays vulnérables. Ces subventions pourraient financer près de la moitié du déficit de financement nécessaire pour soutenir

Ce qui nous inspire

Dans sa lettre d’invitation pour marquer le Jubilé de 2025, Spes Non Confundit (« L’espérance ne déçoit pas », Rm 5,5), le Pape François nous rappelle que « l’espérance doit être accordée aux milliards de pauvres qui manquent souvent du nécessaire pour vivre » et que « les biens de la Terre ne sont pas destinés à quelques privilégiés mais à tous ». Inspirée par ce profond appel à la justice, Caritas Internationalis, en collaboration avec des organisations confessionnelles et de la société civile, invite toutes les personnes de bonne volonté à se joindre à notre campagne, Transformer la dette en espoir. Ensemble, nous exhortons les décideurs à donner la priorité aux personnes et à la planète plutôt qu’au simple profit.

Les dettes publiques insoutenables et injustes privent les nations des ressources nécessaires pour investir dans la santé, l’éducation, l’action climatique et l’avenir de leurs jeunes, enfermant des générations entières dans des cycles de pauvreté et d’inégalité. Cela nous oblige à exiger la justice en matière de dette, pour les communautés écrasées par des dettes injustes et impayables. Comme l’écrit le Saint-Père, « si nous voulons vraiment préparer la voie à la paix dans le monde, engageons-nous à remédier aux causes profondes des injustices, apurons les dettes injustes. » (Spes Non Confundit, 16).

Ce que nous demandons

En signant cette pétition, vous vous joignez à des millions de familles du monde entier dans leur lutte pour la dignité, les opportunités et l’espoir. Cette pétition, partagée à l’échelle mondiale, véhicule un message cohérent tout en permettant de l’adapter aux réalités régionales, nationales et locales. Elle appelle les créanciers publics, privés et multilatéraux, ainsi que les dirigeants politiques, à agir avec courage et compassion.

Faites entendre votre voix dès aujourd’hui. En signant la pétition, vous participez à un appel mondial visant à transformer la dette en espérance. A la fin de l’année 2025, Entraide et Fraternité remettra votre signature à Caritas International qui la comptabilisera comme contribution belge au mouvement mondial.

Tous ensemble, nous demandons

Ce que nous faisons

Entraide et Fraternité fait partie d’une coalition d’ONG belges, francophones comme néerlandophones, spécialement dédiée à la problématique de la dette des pays des Suds. Elle porte auprès des décideurs belges et européens le message de la nécessité impérieuse de mettre fin à la crise de la dette, notamment en créant un cadre mondial adapté.

Sur l’exemple de la loi pionnière votée en Belgique en 2015 sur les « fonds vautours »  (la loi limite le droit au remboursement de créancier au prix effectivement déboursé pour le rachat de la créance en cause, lorsque le créancier cherche à obtenir un « avantage illégitime »), Entraide et Fraternité a, en 2024, joué un rôle d’initiatrice dans l’élaboration d’une proposition de loi visant à encourager les créanciers privés (banques, fonds d’investissement…) à participer eux aussi aux efforts d’allègement de dette. En effet, aujourd’hui, seuls les États créanciers accordent des reports ou des suspensions du service de la dette aux pays du Sud. Ce que ne font pas les créanciers privés. De ce fait, les montants “économisés” par les pays fortement endettés pour leur permettre de répondre aux besoins de leur population sont “détournés” pour permettre un meilleur remboursement du secteur privé ! Les populations sont donc doublement lésées. Cette proposition de loi fera l’objet d’une nouvelle soumission au Parlement pour la nouvelle législature.

Pour Entraide et Fraternité, ce travail de plaidoyer s’inscrit dans la complémentarité du soutien apporté aux projets de développement dans 10 pays du Sud. La souveraineté alimentaire des populations du monde entier passe par le développement de la petite agriculture écologique et familiale. Dans cette perspective, Entraide et Fraternité combat sur le terrain politique les obstacles structurels, hérités du colonialisme, au développement de cette agroécologie : les traités de commerce international nettement favorables aux multinationales de l’agroindustrie, l’absence de responsabilité et de redevaibilité de celles-ci et les mécanismes de la dette imposés initialement par les pays occidentaux.

Ces derniers mois marquent très manifestement un regain des politiques néocoloniales résultant des nouveaux équilibres politiques dans les pays du Nord. En Belgique, le nouveau gouvernement souhaite que la Cooperation au développement serve prioritairement les intérêts de notre pays, notamment en termes d’enjeux migratoires. L’Union européene développe quant à elle le Global Gateway visant à soutenir des projets dans les pays des Suds pour autant qu’ils rencontrent ses intérêts économiques et stratégiques. Enfin, les décisions successives (suspension de l’aide internationale, réintroduction de droits de douane indifférenciés…) de l’administration Trump aux USA et les déclarations délirantes du nouveau président américain sur une série de régions de la planète (Groenland, Panama, Canada sans évidemment oublier les Territoires palestiniens occupés) montrent la résurgence de relations internationales basées sur un “partage du monde” par les grandes puissances (États-Unis, Russie, Chine) et la possibilité de s’y comporter comme bon leur semble en faisant fi des règles internationales et encore plus du droit international (agression de la Russie sur l’Ukraine, probable feu vert donné par Washington à l’annexion d’une partie de la Cisjordanie par Israël…). Le monde n’a sans doute jamais été aussi néo-colonial depuis la fin des processus de décolonisation. Et la place de la dette est centrale dans cet édifice.

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Haïti : les 200 ans d’une dette inique

Le relation entre Entraide et Fraternité et Haïti est historique. Depuis des décennies, le petit pays des Caraïbes voit s’abattre sur lui toutes les catastrophes climatiques, environnementales et sociales possibles. Nos partenaires sur place parviennent pourtant, grâce à la petite agriculture, à faire vivre les communautés locales alors que la capitale, Port-au-Prince, est aux mains des gangs.

Haïti est pourtant un modèle puisque c’est la première “nation noire” à avoir obtenu, en 1805, son indépendance en chassant Napoléon, les colons et les esclavagistes. Mais, voici 200 ans tout juste, le 17 avril 1825, le roi de France Charles X a imposé aux Haïtiens un marché de dupes : en échange de la reconnaissance de l’indépendance de Haïti, il lui a imposé une dette de 525 millions d’euros actuels au titre de… “réparation” pour les pertes des propriétaires esclavagistes chassés !

Cette première dette inique de l’Histoire montre à suffisance comment la dette participe de ces mécanismes néo-coloniaux qui peuvent durablement plonger les pays du Sud dans la misère.