Quel est le problème ?
Le paiement de la dette est un obstacle majeur à la satisfaction des besoins humains fondamentaux et à la lutte contre le changement climatique. Le service de la dette des pays du Sud global, c’est-à-dire le remboursement annuel du capital et des intérêts, absorbe en moyenne 30 % de leurs dépenses publiques. Cela représente 2,5 fois les dépenses en éducation, 4 fois les dépenses en santé, et plus de 12 fois les dépenses liées à l’adaptation au changement climatique.
Selon l’ONU, 54 pays, abritant plus de la moitié de la population vivant dans l’extrême pauvreté, sont déjà en crise de la dette. Face à cette crise, l’ONU appelle les pouvoirs publics à prendre des mesures ambitieuses et rapides d’annulations de dettes qui mettent à contribution tous les créanciers, aussi bien publics que privés. Cependant, faute d’obligation légale, certains créanciers, dont les grandes banques, refusent de participer à cet effort collectif.
En refusant de négocier des réductions de dette, ces créanciers non coopératifs engrangent des millions en paiements d’intérêts. Autant d’argent qui échappe au financement de la santé, de l’éducation, de l’agriculture paysanne ou encore de la lutte contre la crise climatique. Sans compter que l’aide au développement versée par nos pays sert à rembourser ces créanciers, au détriment des populations sur place. En effet, par crainte d’actions en justice intentées par ces créanciers non coopératifs, les États surendettés utilisent les sommes disponibles – dont les fonds de l’aide au développement – pour payer les créanciers privés plutôt que pour répondre aux besoins de leurs populations.
En maintenant les pays à un niveau d’endettement insoutenable, les créanciers condamnent les générations présentes et futures à trois niveaux.
– ils les condamnent à l’austérité, dans la mesure où le niveau élevé d’endettement est instrumentalisé, comme au sein de l’UE, pour justifier les coupes dans les dépenses sociales.
– ils accélèrent le dérèglement climatique. En effet, pour pouvoir rembourser leur dette, les pays ont besoin de disposer d’une monnaie forte (comme le dollar et l’euro) et doivent, pour l’obtenir, extraire toujours plus leurs ressources naturelles afin de les exporter. Ajoutons que le mécanisme de la dette empêche toute politique visant la souveraineté alimentaire (voir l’encadré).
– ils jettent les pays surendettés dans les griffes des « fonds vautours », ces sociétés privées qui rachètent à très bas prix la dette des États en difficulté à une fraction de sa valeur d’origine, pour ensuite réclamer par la voie judiciaire le paiement à 100 %, majoré d’intérêts et de pénalités. Les taux de recouvrement des fonds vautours représentent en moyenne 3 à 20 fois leur investissement, ce qui équivaut à des rendements de 300% à 2000 % !
Bonne nouvelle : après les États-Unis où une proposition de loi est actuellement en discussion dans l’État de New York, la Belgique est le deuxième pays à s’engager dans cette voie législative pour inciter TOUS les créanciers à participer aux allègements de la dette. Une proposition de loi, rédigée grâce l’expertise d’Entraide et Fraternité, a en effet été déposée en mai 2023. Le 27 février 2024, le débat parlementaire sur cette proposition de loi a débuté en présence de plusieurs experts auditionnés lors d’une séance de la Commission des finances. Parmi ces experts auditionnés se trouvait le coordinateur du Service politique d’Entraide et Fraternité.
Dette et souveraineté alimentaire En plus de grever les budgets des États, les politiques de libéralisation du commerce liées à certains prêts rendent impossible toute alternative fondée sur la souveraineté alimentaire. En effet, les Plans d’ajustement structurel (PAS) imposés par le FMI et la Banque mondiale dès les années 1980 – et toujours en vigueur aujourd’hui sous d’autres noms – ont pour effet de limiter les dépenses publiques (dont les subventions alimentaires) et d’orienter l’agriculture des pays endettés vers les monocultures d’exportation. Objectif : rapporter au pays producteur des devises pour assurer le paiement du service de la dette. Ainsi, canne à sucre, palmiers à huile, soja, café ou coton ont recouvert d’immenses superficies, aux dépens de la forêt, de l’habitat des populations autochtones, de la faune et de la flore. Aux dépens, bien souvent, de l’agriculture familiale vivrière et donc de la souveraineté et de la sécurité alimentaires. Insécurité alimentaire, accaparements de terres, destruction et pollution des écosystèmes et expropriations sont les ‘dégâts collatéraux’ de la politique agricole imposée par les institutions financières internationales aux pays endettés
Que demandons-nous à la Belgique ?
– Adopter une législation pour inciter les autres créanciers non coopératifs à participer aux allègements des dettes insoutenables des pays du Sud global.
– Inciter les autres États membres de l’Union européenne (UE) et de l’OCDE, mais aussi l’UE, en tant qu’organisation régionale, à adopter des législations équivalentes à la loi belge du 12 juillet 2015 relative à la lutte contre les activités des fonds vautours.
– Plaider pour l’élimination des conditionnalités liées à la libéralisation du secteur agricole mises en place par les FMI et Banque mondiale, deux institutions où la Belgique a un poids significatif.