La PAPDA – Plateforme haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif – a été fondée en 1995.
Depuis 30 ans, cette coalition de mouvements sociaux et d’organisations de la société civile haïtienne mène un plaidoyer local et national pour l’adoption de politiques publiques favorables aux revendications paysannes, à la souveraineté alimentaire en Haïti. Elle fournit également un appui technique direct à des milliers de familles paysannes afin d’améliorer leurs conditions de vie.
Un véritable combat dans le pays malheureusement le plus pauvre de la région Amérique latine et Caraïbes et l’un des plus pauvres du monde.
Nous avons échangé sur ces trois décennies de lutte avec Ricot Jean-Pierre, directeur des programmes à la PAPDA (partenaire d’Entraide et Fraternité depuis 1997).
Quelles sont les plus grandes fiertés de la PAPDA au cours de ces 30 années d’action ?
Ricot Jean-Pierre : Malgré la persistance de la pauvreté en Haïti, nous avons obtenu de nombreux succès pour les communautés paysannes au cours de ces trois dernières décennies.
Le plaidoyer de la PAPDA a par exemple conduit le Parlement haïtien à interdire en 2013 toute activité liée à l’exploitation minière dans le pays. Nous nous sommes également fortement mobilisés contre l’implantation de zones franches industrielles sur des terres agricoles. Ces mobilisations ont permis de sauver la terre cultivée par des milliers de petits paysans haïtiens.
Notre plaidoyer a aussi permis la mise en place de nouvelles politiques publiques, particulièrement dans le domaine agricole, comme par exemple la fourniture de repas scolaires à base de produits issus des communautés paysannes haïtiennes avec le Programme National de Cantines Scolaires (PNCS).
Nos interpellations et notre expertise ont en outre permis de renforcer ou de créer certains organismes publics qui soutiennent les communautés paysannes, tels que l’Institut National de la Réforme Agraire ou encore l’Institut National du Café d’Haïti (INCAH).
Nous sommes également fiers d’avoir permis la formation de nombreux leaders de la société civile, à travers la création de l’École de formation Politique Charlemagne Péralte (qui forme chaque année 80 leaders) ainsi qu’avec la direction de l’Université populaire d’été qui se tient chaque année depuis plus de 25 ans.
Une autre réussite très concrète est la réduction de 30% de la malnutrition dans plusieurs de nos zones d’action grâce à l’accompagnement des communautés paysannes dans le développement de l’agroécologie.
Enfin, la PAPDA a joué un rôle central durant ces trois décennies dans le développement et le renforcement des réseaux altermondialistes dans la Caraïbe, en Amérique Latine et dans le monde, grâce à sa participation active dans de nombreuses arènes : Conseil international du Forum Social Mondial, Conseil Exécutif Régional de l’Assemblée des Peuples de la Caraïbe, etc.

Quels ont été les plus grands défis de la PAPDA durant ces trois décennies de lutte ?
Ricot Jean-Pierre : Je pointerais deux difficultés majeures au moment de la création de la PAPDA. Il n’existait en effet pas au départ, au sein des mouvements et organisations sociales haïtiennes, de culture de plaidoyer. Il a fallu faire tout un travail de formation à la culture du plaidoyer politique en évitant de tomber dans les travers des processus de “lobbying”, souvent entachés de corruption et déconnectés des classes populaires. L’autre difficulté a été l’indisponibilité d’un ensemble de données de base, indispensables pour la solidité de notre argumentation sur les politiques publiques. Il a fallu nouer de nombreuses collaborations pour disposer de données fiables.
Par la suite, je mettrais en avant deux autres grandes difficultés. D’abord l’instabilité politique continue, qui a rendu très difficile la création d’une relation et d’un dialogue durable et productif avec les décideurs politiques. En outre, nous avons souvent dû travaillés avec des moyens financiers et matériels très limités.
Enfin, si je devais indiquer aujourd’hui notre plus grand défi, je dirais malheureusement les gangs armés et l’insécurité qu’ils génèrent. Ils déstabilisent profondément l’Etat haïtien et leur répression exercée contre la population touche avant tout les classes populaires. ».
Pourquoi est-ce important de continuer de soutenir la population en Haïti ?
Ricot Jean-Pierre : En 1804, Haïti a allumé la flamme des principes de Liberté – Egalité – Fraternité et l’universalité des droits quel que soit la race, la couleur de peau, la condition matérielle d’existence.
Soutenir les luttes populaires en Haïti, continuer à résister aux côtés du peuple haïtien dans ses luttes d’émancipation, c’est s’assumer en tant qu’être humain et être reconnaissant pour l’héritage indépassable des luttes anticolonialistes menées par les Haïtiens.nes à travers les siècles.
Une rançon odieuse
Le 17 avril 2025 a marqué les 200 ans de l’imposition par la France d’une dette honteuse et dépassant largement les maigres moyens de son ancienne colonie, Haïti. Cette dette imposée a généré une spirale d’endettement qui a paralysé le pays durant des décennies, l’empêchant de se développer.
Deux siècles plus tard, le poids de cette dette honteuse pèse encore sur la situation d’un des pays les plus pauvres au monde.
Envie d’en savoir plus ? Retrouvez l’analyse d’Entraide et Fraternité sur le sujet : Vers la « réparation de la réparation » ?





