La réponse européenne doit être basée sur le respect du droit international.
La situation humanitaire qui se joue, depuis ce 1er mars, à la frontière gréco-turque exige une réponse forte, adéquate et urgente de l’Union européenne (UE). Pour le CNCD-11.11.11, Entraide et Fraternité, le CIRÉ, la Plateforme Citoyenne BXLRefugees, Amnesty International, la Ligue des droits humains, Oxfam Solidarité, le Centre Avec, le Mouvement Ouvrier Chrétien, le Centre Bruxellois d’Action Interculturelle, le Jesuit Refugee Service Belgium, SOLSOC, ORBITvzw et Médecins du Monde. La crise actuelle n’est pas une surprise: en signant il y a quatre ans un accord avec la Turquie, l’Union européenne a entériné une logique d’externalisation de la gestion de ses frontières et est devenue l’otage du gouvernement turc.
Aujourd’hui, l’Europe doit prendre ses responsabilités et réviser d’urgence le règlement de Dublin au profit d’une répartition équitable des demandeurs d’asile entre États membres.
Aujourd’hui, l’Europe doit prendre ses responsabilités et réviser d’urgence le règlement de Dublin au profit d’une répartition équitable des demandeurs d’asile entre États membres.
Face à l’ouverture de la frontière turque, la seule réponse de la Grèce, avec l’appui de l’UE, est à ce jour le renforcement du contrôle militaire de sa frontière via le déploiement des équipes d’intervention rapide aux frontières (RABITS) de l’agence européenne Frontex. Les images qui circulent, montrant des garde-côtes grecs faisant usage de leurs armes pour repousser les embarcations, si elles sont authentifiées, démontreraient qu’un nouveau cap a été franchi dans les violations du droit international par les États européens: l’article 33 de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés interdit en effet le refoulement et exige donc un examen individuel de chaque demande d’asile. A fortiori, il interdit l’usage disproportionné de la force face à des personnes qui ne représentent aucune menace directe.
Les chiffres évoqués jusqu’ici, à savoir quelques milliers de personnes demandant à passer la frontière, sont très loin de créer une situation ingérable. Pour rappel, la Turquie accueille actuellement environ 3,6 millions de personnes ayant fui la guerre en Syrie (UNHCR), auxquelles s’ajoutent plus de 365000 ressortissants d’autres nationalités, fuyant principalement d’autres pays en guerre comme l’Irak ou l’Afghanistan. Les conditions d’accueil dans ce pays ne permettent pas de mener une vie décente. Quant à la Grèce, si elle n’a connu qu’un peu plus de 6000 arrivées depuis le début de l’année 2020, elle s’est retrouvée depuis la crise humanitaire de 2015 en première ligne pour gérer l’accueil des demandeurs d’asile, avec d’autres pays méditerranéens, sans pouvoir compter sur une réelle solidarité de ses partenaires européens. Résultat: des camps (hotspots) surpeuplés, insalubres et non fonctionnels.
Par ailleurs, la crise politique actuelle entre la Turquie et l’Union européenne découle d’une nouvelle escalade dans le conflit se déroulant en Syrie. Il importe donc que l’Europe agisse de façon coordonnée pour renforcer son soutien humanitaire aux populations civiles menacées, en particulier dans la région d’Idlib. A plus long terme, elle doit œuvrer de façon concertée à une solution politique au conflit qui ravage ce pays depuis neuf ans.
Le CNCD-11.11.11, le Ciré, la Plateforme Citoyenne BXLRefugees, Amnesty International, la Ligue des droits humains, Oxfam Solidarité, le Centre Avec, le Mouvement Ouvrier Chrétien, le Centre Bruxellois d’Action Interculturelle, le Jesuit Refugee Service Belgium, SOLSOC, ORBITvzw, Médecins du Monde et Entraide et Fraternité appellent donc la Belgique et l’Union européenne à mettre en place dès la réunion du Conseil Justice et Affaires intérieures de ce 4 mars une réponse respectueuse de leurs obligations internationales, à savoir:
– Mettre fin à l’application de la Déclaration conjointe avec la Turquie de 2016
– Mettre fin immédiatement à toute forme de refoulement, en installant un mécanisme permettant aux candidats à l’asile de déposer leur demande soit à l’entrée du territoire européen, soit depuis la Turquie et d’autres pays tiers
– Suspendre l’application du mécanisme de Dublin et le remplacer par un mécanisme d’urgence, puis une solution permanente de répartition de l’accueil des personnes en demande de protection, basés sur une clé de répartition contraignante
– Renforcer l’appui humanitaire à la Turquie et aux autres pays limitrophes de la Syrie, afin de leur permettre d’assurer une vie décente pour les personnes réfugiées sur leur territoire.
La solution à la montée des nationaux-populistes un peu partout en Europe n’est pas la course derrière la logique de rejet de l’autre que ceux-ci tentent d’imposer, mais la mise en place d’une politique migratoire basée sur les quatre piliers de la justice migratoire, à savoir des conditions de vie digne dans les pays d’origine, des voies d’accès légales et sûres de migration, des politiques garantissant l’égalité et la cohésion sociale dans les pays d’accueil et la lutte contre les préjugés et amalgames.
Un rassemblement est organisé ce mercredi 4 mars à 17h, rue de la Loi (entre la Commission européenne et le Juste Lipse), afin de réclamer une politique européenne respectueuse des droits humains.