Entraide et Fraternité, Action Vivre Ensemble, plusieurs ONG et associations belges d’émanation chrétienne* actives en faveur de la justice sociale et environnementale saluent la venue en Belgique du pape François à l’aune de son message fort sur ce terrain. Un message plus urgent et plus universel que jamais, qui induit un changement de paradigme de notre société.
Le pape François sera dans quelques heures en Belgique. Pour nous, associations chrétiennes ou d’inspiration chrétienne, membres de la société civile, engagées en faveur de la justice sociale et environnementale, la visite du pape François dans notre pays nous réjouit. Elle est l’occasion de faire résonner ce discours social et environnemental que nos décideurs politiques ont de plus en plus de mal à porter, ce discours qui entend articuler « clameur des pauvres » et « clameur de la terre ».
Un texte fondamental
Il y aura en effet 10 ans, le 24 mai prochain, que le pape François publiait, avec son encyclique Laudato si’, un texte fondamental et reconnu comme tel, bien au-delà de l’Église catholique. Si François d’Assise loue Dieu pour toutes les créatures, il est évident que Laudato si’ et sa « mise à jour », Laudate Deum, comme l’encyclique Fratelli tutti et l’exhortation Querida Amazonia, peuvent être lues par chacun et chacune d’entre nous, croyant, athée ou agnostique, chrétien ou non, comme un appel à prendre soin de la planète, de ses écosystèmes et de tous ses habitants, humains et autres qu’humains.
Nous y sommes invités à retrouver notre juste place dans le cosmos et à vivre la fraternité universelle avec tous les êtres vivants. L’être humain n’est pas séparé de la nature, celle-ci n’est pas « un simple ‘cadre’ où nous développerions nos vies et nos projets, car nous sommes inclus en elle, nous en sommes une partie, et nous sommes enchevêtrés avec elle. »
Un changement de paradigme
Une décennie plus tard, Laudato si’ n’a rien perdu de sa pertinence. Ni, malheureusement, de son urgence. Bien au contraire ! Lassé du manque de résultats tangibles des COP successives, excédé par les discours climatosceptiques, déplorant le mode de vie destructeur du modèle occidental, convaincu que « les solutions les plus efficaces ne viendront pas seulement d’efforts individuels, mais avant tout des grandes décisions de politique nationale et internationale », le pape exhorte encore chacun et chacune dans Laudate Deum : « Il ne nous est rien demandé de plus qu’une certaine responsabilité face à l’héritage que nous laisserons de notre passage en ce monde. » Ce bouleversement éthique doit également entraîner un changement de paradigme sur le plan social et économique, loin du capitalisme effréné et de ses inégalités criantes.
Le « multilatéralisme d’en bas »
Pour porter ensemble ce changement de paradigme, le pape François préconise de s’appuyer sur le « multilatéralisme ‘d’en bas’ », celui qui rassemble les acteurs de terrain, associations, ONG, mouvements sociaux : « J’invite à reconnaître que beaucoup de regroupements et d’organisations de la société civile aident à pallier les faiblesses de la communauté internationale, son manque de coordination dans des situations complexes, son manque de vigilance en ce qui concerne les droits humains fondamentaux. Les revendications qui émergent d’en bas partout dans le monde, où les militants des pays les plus divers s’entraident et s’accompagnent, peuvent finir par exercer une pression sur les facteurs de pouvoir. »
Dédiée à célébrer le travail des universités catholiques belges, la visite du Souverain pontife est aussi l’occasion de souligner l’apport de la société civile. Nous ne pouvons qu’y voir un encouragement et un soutien à l’heure où la montée des populismes aboutit à voir les élus et élues, y compris en Europe et en Belgique, prôner une « pause environnementale » ou la restriction des mesures de solidarité à l’égard des personnes les plus défavorisées, à commencer par celles jetées sur les routes de l’exil. Voici quelques semaines encore, à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, le pape appelait à « tourner un regard attentif et fraternel vers tous ceux qui sont contraints de fuir leurs maisons, à la recherche de la paix et de la sécurité. Nous sommes tous appelés à accueillir, promouvoir, accompagner et intégrer ceux qui frappent à nos portes. Je prie pour que les États s’emploient à garantir des conditions humaines aux réfugiés et à faciliter les processus d’intégration. »
Le pape fait œuvre politique
On sait que sa première visite hors de Rome fut pour Lampedusa, qu’à deux reprises, le chef de l’Église s’est rendu à Lesbos, ces îles méditerranéennes confrontées aux incessantes et mortelles vagues migratoires. Dans un geste d’une symbolique puissante, il avait ramené 12 réfugiés syriens tandis que, régulièrement, pour le Jeudi saint, il lave les pieds de réfugiés dans des centres de rétention ou des prisons italiens. Là encore, là peut-être surtout, le pape fait œuvre politique. En prônant une extension des droits des personnes migrantes et réfugiées et davantage de régularisation pour les « sans-papiers », le pape François rame délibérément à contre-courant. Y compris à contre-courant d’une partie du « peuple » chrétien qui, partout en Europe et en Amérique du Nord, prend cette identité à témoin pour justifier le rejet de l’autre.
Nous continuons à nous laisser inspirer par le pape
Au sein de la communauté catholique, mais aussi des autres confessions et religions, et même de toute communauté humaine, il existe en effet des replis, des conservatismes, des fermetures. À l’intérieur même de l’Église, le pape François est confronté à de multiples défis qui demandent courage et hauteur de vue. Pour notre part, en tant qu’associations d’inspiration chrétienne, engagées dans la société civile, nous continuons à nous laisser inspirer par le message du pape et nous resterons attentifs à ce que les réponses politiques aux défis écologiques et climatiques soient ambitieuses et se construisent en dialogue, avec respect, solidarité et attention particulière pour les personnes les plus démunies.
Toutes les citations sont extraites de Laudato Si’ ou de Laudate Deum.
Liste des signataires
Action Vivre Ensemble, Alliance européenne Laudato Si’, Bâtir le Bien commun, BePax, Broederlijk Delen, Caritas Belgique, Cefoc, Centre Avec, Commission Justice et Paix, Conseil de la Jeunesse catholique, Entraide et Fraternité, Jesuit Refugee Service Belgium, Magma, Mouvement Laudato Si’, Welzijnszorg.
Parue sur cathobel.be le 26 septembre 2024