Une cour enfleurée, en arrière-plan une toiture en tôle.
photo par Mathieu Huvelle Photography

Le ver de terre heureux de lutter contre le changement climatique

# APTES # jt218
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Le programme APTES (l’agroécologie, pilier d’une transition écologique et sociale) lancé au Pérou par Entraide et Fraternité soutient le Mouvement citoyen face au changement climatique (MOCICC) qui chapeaute de nombreuses initiatives d’agroécologie urbaine. Zoom sur un de ces projets qui mérite le détour.

Plus de 1,3 million de personnes vivent dans ce gigantesque faubourg de Lima qu’est San Juan de Lurigancho, le district le plus peuplé du pays. Ce décor de collines de caillasse désertique abrite toujours plus d’habitants et habitantes, la ville se développe en hauteur sur d’étouffants contreforts caillouteux et poussiéreux. Les dernières personnes arrivantes, les plus pauvres, habitent là où il n’y a plus de routes ni d’escaliers, d’électricité, d’eau, de services de santé, de moyens de communication. Où il n’y a pas un centimètre carré de verdure, pas le moindre espace pour un parc ou un terrain de foot. Pas non plus le moindre ramassage de déchets, problème endémique dans les pays du Sud.

C’est la raison pour laquelle des citoyens et citoyennes bénévoles ont lancé, avec l’aide de la paroisse, – et ce, malgré un terrain hostile et une parcelle restreinte – un projet d’agriculture urbaine, tout spécialement de vermiculture. Aujourd’hui, La Lombriz feliz porte bien son nom (« le ver de terre heureux ») et son expérience fait école et autorité. Au départ, en 1991, l’idée de ce petit espace de recyclage est née de la volonté de lutter contre des monceaux d’immondices devenus tellement hauts qu’ils surplombaient les habitations et propageaient le choléra. « Les déchets que tu jettes dans la rue ne parlent pas mais ils disent beaucoup de toi » prévient le panneau à l’entrée de La Lombriz feliz. Là où les habitants et habitantes du quartier descendant des collines peuvent déposer leurs déchets à des fins de recyclage circulaire.

Ici, 80% des déchets sont recyclés et traités et chaque jour 300kg de déchets sont déposés au centre. Les membres de l’association produisent et vendent des plantes grasses, des légumes, des plantes médicinales et trois types de compost comme engrais : de l’humus riche, de l’engrais solide et de l’engrais liquide issus du compostage et du lombricompostage pour lequel ils, elles élèvent évidemment des vers de terre. Ils, elles vendent aussi les objets qu’ils, elles fabriquent avec ce qui est mis dans les sacs PMC (bouteilles, canettes…).

En trois décennies, La Lombriz feliz a acquis une expertise impressionnante qu’elle développe au moyen d’un mini centre de recherches : ici, ce sont des tests qui sont faits pour voir comment les pelures d’ail peuvent donner du compost (les femmes du quartier « gagnent » leur vie en pelant de l’ail pour 25 centimes le kilo), là c’est un potager expérimental, ailleurs encore, c’est un système de récupération des eaux usées pour arroser les jardins. Et, évidemment, des formations pour faire essaimer les idées d’agroécologie dans les quartiers voisins.