Deux femmes devant des paniers de légumes
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Analyses

Vers la « réparation de la réparation » ?

par Jean-François Lauwens
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Résumé

Voici 200 ans tout juste, la France, éconduite deux décennies plus tôt d’Haïti, imposait au jeune État une dette gigantesque au titre de « réparation » pour la perte subie par ses esclavagistes exploitant le sucre, le café et le coton. Deux siècles plus tard, le poids de cette dette honteuse pèse encore sur la situation d’un des pays les plus pauvres et les plus vulnérables face aux conflits et aux catastrophes climatiques au monde.

Cette dette imposée a grevé pour des décennies la capacité du pays à se déployer après son indépendance (1804). On ne prétendra pas qu’elle est responsable ni des séismes, ni des tornades ni de la guerre des gangs qui ont, ces dernières années, rendu la population haïtienne encore plus pauvre qu’après le tremblement de terre de 2010.

En revanche, l’actualité la plus récente montre que les attitudes néocolonialistes et néo-impérialistes de certains pays sont plus que jamais à l’œuvre dans les relations entre Nord et Suds. L’exploitation des populations, comme celle d’Haïti, et des ressources naturelles n’ont jamais cessé et semblent même connaître une légitimation depuis l’arrivée de Trump au pouvoir à Washington. Ceci rend d’autant plus indispensable la double nécessité : sur le plan global, de mettre fin au « néocolonialisme par la dette » (Piketty) ; sur le plan local (Haïti), d’envisager un renforcement de l’aide, notamment par la justice que représenterait une « réparation de la réparation ».

Le 3 juillet 1825, une flottille française entre dans la rade de Port-au-Prince. À son bord, l’émissaire du nouveau roi de France, Charles X, le baron Ange René Armand de Mackau.  Il est porteur de l’ordonnance signée quelques mois plus tôt, le 17 avril de la même année, par celui qui, deuxième souverain issu de la Restauration, sera bientôt le dernier Bourbon à régner. Un texte sidérant qui, deux siècles plus tard, continue de laisser pantois1Le texte complet de l’ordonnance et le mode d’évaluation des montants : « L’ordonnance de Charles X du 17 avril 1825 », Outre-Mers,2003, 340-341 : persee.frEn échange de la reconnaissance (enfin, après deux décennies !) de l’indépendance conquise en 1804 par Haïti, encore toujours présentée comme « la partie française de Saint-Domingue »2Ce qui en dit assez long sur l’état d’esprit français alors que le pays, Haïti, est indépendant depuis plus de 20 ans : en réalité, l’île d’Haïti porte aussi le nom de Hispaniola depuis Christophe Colomb et abrite les deux États d’Haïti (capitale Port-au-Prince) et de la République dominicaine (capitale Saint-Domingue), lesquels étaient eux-mêmes réunis sous le vocable de Colonie française de Saint-Domingue jusqu’à l’indépendance d’Haïti en 1804., il « ordonne »3Après 5 tentatives de négociations infructueuses : François Blancpain and Bernard Gainot, « Les négociations des traités de 1838 », La Révolution française [Online], 16 | 2019 : journals.openedition.org à la jeune République de lui accorder un accès privilégié à son commerce et de « dédommager les anciens colons », en payant une indemnité de 150 millions de francs4Une indemnité de 150 millions de francs-or, ramenée à 90 millions en 1838. Au cours de l’or aujourd’hui, 90 millions de francs-or équivalent à environ 1 milliard d’euros.. À ces conditions, la France « concède » l’indépendance à son ancienne colonie, qui, en battant les troupes napoléoniennes, s’était libérée 21 ans plus tôt, devenant la première nation issue de la révolution d’esclaves noirs5Synthèse complète des événements menant à l’indépendance d’Haïti à partir de la Révolte des esclaves en 1791 :  ‘Révolution haïtienne’, Wikipédia.


Selon le Ransom Project (2022) du New York Times6‘The Ransom Project’, The New York Times, 20 mai 2022 (également en français) : nytimes.com, Haïti a versé environ 560 millions de dollars (513,5 millions d’euros), en valeur actualisée, à la France, sans aucune contrepartie. « Mais cette somme est loin de correspondre au déficit économique réel subi par le pays. Si elle était restée dans l’économie haïtienne et avait pu y fructifier ces deux derniers siècles au rythme actuel de croissance du pays — au lieu d’être expédiée en France sans biens ni services en retour — elle aurait à terme rapporté à Haïti 21 milliards de dollars (19,25 milliards d’euros). »

« C’est ce qu’on appelle souvent “la dette de l’indépendance”. L’appellation est cependant trompeuse. C’était une rançon », poursuit le prestigieux quotidien américain dans cette remarquable enquête (« le projet rançon »). « La somme était exorbitante au regard des maigres moyens d’Haïti. À lui seul, le premier paiement, en 1825, représentait six fois les revenus du gouvernement cette année-là, selon les reçus officiels consultés par Beaubrun Ardouin, un historien haïtien du 19e siècle. Tout cela était intentionnel et faisait partie d’un plan. Car le roi de France avait confié au baron de Mackau une seconde mission : veiller à ce que l’ancienne colonie emprunte à des banques françaises pour s’acquitter de ses paiements. C’est ce qu’on appelle la “double dette” d’Haïti — l’indemnité et l’emprunt contracté pour la payer. Colossale, elle a stimulé la croissance du tout jeune système bancaire international de la place de Paris et précipité Haïti sur la voie de la pauvreté et du sous-développement. D’après Ardouin, à elles seules, les commissions des banquiers cette année-là dépassent l’ensemble des recettes du gouvernement haïtien. À titre de comparaison, c’est bien davantage que le produit intérieur brut d’Haïti en 2020. »

Néocolonialisme par la dette

Cette dette illégitime7On utilise parfois la formule de « rançon odieuse », qui fait écho à celle de « dette odieuse » : cette dernière recouvre la dette qui a été contractée par une dictature et doit être remboursée lors de la transition démocratique., par essence la première à être imposée à un pays issu de la décolonisation, peut être considérée comme la « mère de toutes les dettes », illégitimes ou non (si tant est qu’il en existe de légitimes, ce qui est un autre débat). On peine en effet à comprendre ce qu’un ancien peuple colonisé et esclavagisé peut « devoir » comme dédommagement à une nation impérialiste venue de l’autre bout de la planète pour l’exploiter, lui et ses ressources, durant plus de deux siècles. Du reste, à la fin de l’esclavage, les propriétaires d’esclaves américains et anglais ont eux aussi été indemnisés comme si leurs champs avaient été détruits par un typhon. Difficile de ne pas y voir, comme l’économiste Thomas Piketty, un « néocolonialisme par la dette » : « Pour résumer, les populations colonisées acquittaient de lourds impôts afin de financer des dépenses bénéficiant principalement à ceux qui étaient venus les dominer politiquement et militairement. »8Thomas Piketty, Une brève histoire de l’égalité, Seuil, 2022.

Cette dette illégitime, la première à être imposée à un pays issu de la décolonisation, peut être considérée comme la « mère de toutes les dettes »

Cette dette fait aussi, malheureusement, le lien avec l’actualité de 2025 : quant à la situation d’Haïti, quant à la question de la dette, mais aussi quant à la recrudescence de comportements néocoloniaux et néo-impérialistes. Depuis le retour de Donald Trump au pouvoir aux États-Unis, des générations qui n’ont pas été habituées à cela découvrent, médusées, qu’au XXIe siècle, des démocraties libérales, et pas uniquement la Russie ou la Chine, peuvent essayer de profiter du conflit en Ukraine ou en RD Congo pour en récupérer les richesses du sous-sol, affirmer la nécessité de s’emparer du Groenland, du canal de Panama ou du Canada afin d’en bénéficier des avantages naturels et économiques, décréter qu’il suffit de vider un territoire (Gaza) de ses habitants pour le reconstruire à son profit et celui de son obligé… La loi du plus fort, exactement comme à l’époque coloniale et des empires.

Pour Haïti, 1825, qui devait être une libération, n’est que le début des soucis. La dette contribuera à entraîner Haïti dans une spirale d’endettement qui l’affaiblira pendant plus d’un siècle, siphonnera une grande partie de ses revenus et grèvera sa capacité à se doter d’institutions et d’infrastructures essentielles à toute nation indépendante. Des générations après que les esclaves se sont rebellés pour créer la première nation noire libre, leurs descendants seront forcés de travailler pour un salaire dérisoire, voire inexistant, au bénéfice de tiers : d’abord les Français, puis les Américains, venus prendre le contrôle de l’économie9L’occupation américaine a duré de 1915 à 1934. Le président Wilson avait décidé de défendre… les intérêts américains en Haïti sous la pression de la National City Bank of New York, l’ancêtre de Citigroup : les Américains ont fait main basse sur l’or de la Banque d’Haïti pour le mettre à l’abri à Wall Street. Lire  À la racine des malheurs d’Haïti : des réparations aux esclavagistes – The New York Times nytimes.com, et enfin leurs propres dictateurs.

Une dette qui se paie encore quotidiennement

Deux siècles plus tard, Haïti compte parmi les pays les plus pauvres du monde et les plus vulnérables face au changement climatique et aux conflits10 Les Nations unies attestent du lien entre ces deux vulnérabilités : « Les pays les plus vulnérables au changement climatique le sont également aux conflits (ONU) » ONU Info, 11 juillet 2018 : news.un.org . Entre le tremblement de terre de 2010 et la prise de pouvoir des gangs en 2020, l’État caribéen coche malheureusement toutes les cases. Frédéric Thomas (Cetri), un des meilleurs experts sur le sujet, écrit : « 1825 conditionne encore largement l’actualité de 2025. Haïti est la nation la plus inégalitaire du continent le plus inégalitaire du monde. On a échangé la dépendance : Paris contre Washington. Le Code noir n’est plus de vigueur ; demeurent seuls le racisme, les inégalités et les ‘avantages comparatifs’ d’une main-d’œuvre bon marché et surexploitée à deux heures de vol du grand voisin nord-américain. Sur fond de catastrophes naturelles, d’instabilité politique et de pauvreté, les chocs se répètent, se conjuguent et cumulent leurs effets. Or, à chaque crise, se vérifie et se réactualise 1825, au prisme d’une internationalisation de la gouvernance à laquelle est désormais soumise Haïti. Depuis le renversement de la dictature des Duvalier en 1986, il n’est, en effet, aucune crise d’importance au cours de laquelle, à un moment ou à un autre, directement ou indirectement, la communauté internationale en général, et les États-Unis en particulier, ne soient intervenus pour fixer sinon la solution, au moins les conditions de celle-ci.11Frédéric Thomas, Haïti : notre dette, Syllepse, 2025. »

Sur fond de catastrophes naturelles, d’instabilité politique et de pauvreté, les chocs se répètent, se conjuguent et cumulent leurs effets.


Selon cette analyse, bien plus encore que les changements de régime à répétition, les crises humanitaires, et tout spécialement celle née du séisme du 12 janvier 2010 et de ses 280 000 morts, sont illustratrices de cet état de fait : « « Les puissances mondiales n’envisagent de solution à la crise haïtienne que sous leur supervision, sinon leur ordre », comme l’a écrit le même Frédéric Thomas dans Le Monde début 202512Frédéric Thomas, « Les puissances mondiales n’envisagent de solution à la crise haïtienne que sous leur supervision, sinon leur ordre », Le Monde, 10 janvier, 2025, lemonde.fr. « Haïti ne constitue pas un cas à part, mais bien un cas extrême de la logique humanitaire : une déferlante non coordonnée d’ONG et organisations internationales, ignorant superbement le contexte haïtien et confondant visibilité et efficacité, ne cessant de se substituer aux acteurs locaux, pressées de répondre aux effets immédiats plutôt qu’aux causes structurelles de la catastrophe. Prenant prétexte de la faiblesse et de la corruption de l’État haïtien, les acteurs internationaux contournèrent celui-ci, avec pour effet paradoxal de l’affaiblir davantage encore. Quinze ans plus tard, force est de reconnaître que rien de durable n’a été construit et que les Haïtiennes et Haïtiens vivent une situation pire qu’en janvier 2010. Depuis les grandes manifestations de 2018 contre la vie chère et la corruption – et en réaction à celles-ci –, les gangs armés se sont développés et renforcés, au point de contrôler la quasi-totalité de la capitale, Port-au-Prince, et d’imposer le règne de la terreur. Aujourd’hui, près de la moitié de la population haïtienne – soit deux fois plus qu’au lendemain du séisme – a besoin d’une aide humanitaire. »

Annulation et réparation

En définitive, le pays est maintenu à flot afin qu’il serve encore et toujours ses maîtres : les créanciers.

Les logiques trumpistes évoquées plus haut, que nous semblons découvrir, ne sont pas neuves de la part de l’étranger et spécialement des USA. En 2009, Haïti a obtenu l’annulation de 82% de sa dette contre… l’ouverture des marchés publics à la concurrence internationale en privilégiant les multinationales étrangères. Et après le séisme, le FMI a imposé un prêt (plutôt que les dons préconisés par l’ONU), dont le premier décaissement des 2,3 milliards de dollars annoncés pour la reconstruction « a servi à rembourser les dépenses de l’armée américaine, qui avait déployé des dizaines de navires de guerre autour d’Haïti juste après le séisme pour bloquer les éventuels flux de réfugiés vers Miami, et aussi pour intervenir en cas de révolte populaire. L’aide internationale censée soutenir les victimes du tremblement de terre en signe de solidarité a d’abord servi à payer l’armée américaine. En définitive, le pays est maintenu à flot afin qu’il serve encore et toujours ses maîtres : les créanciers. Malgré les annulations partielles et les dons conditionnés aux desideratas néolibéraux, le montant attendu (en 2022) au titre du remboursement de la dette est beaucoup plus élevé que ce qui est prévu pour la santé publique au niveau national13Jérôme Duval, La rançon odieuse de l’indépendance, Entraide et Fraternité, août 2022 : entraide.be/publication/analyse-202209. »

Cette année 2025 offre deux occasions de rappeler la gravité de cette situation : le bicentenaire de la dette illégitime imposée par la France à Haïti et le Jubilé qui entend remettre en lumière la question de l’annulation de la dette des pays les plus défavorisés et la reconnaissance de la dette écologique des pays riches à leur endroit.

Sur le plan global de la dette des pays des Suds, il est plus que jamais temps de prendre des mesures qui mettent fin aux spirales d’appauvrissement. Plus de 100 pays sont aujourd’hui confrontés à une crise de la dette, et 60% de leurs dettes sont détenus par des créanciers privés, ce qui rend la résolution de la dette plus complexe. Plus de 3,3 milliards de personnes vivent dans des pays où les gouvernements consacrent plus d’argent au remboursement de la dette qu’aux services essentiels tels que la santé ou l’éducation. En cette année du Jubilé, de nombreux pans de la société civile se mobilisent dans le monde entier pour demander, sous la forme d’une pétition mondiale :

  • De mettre fin à la crise de la dette dès maintenant en annulant les dettes injustes et insoutenables en y remédiant, sans conditions de politique économique ;
  • D’empêcher que les crises de la dette se reproduisent en s’attaquant à leurs causes profondes et en réformant le système financier mondial pour donner la priorité aux personnes et à la planète ;
  • D’établir un cadre permanent, transparent, contraignant et global en matière de dette au sein des Nations unies.

Cette pétition est relayée en Belgique par Entraide et Fraternité sur le site dédié annulerladette.be. Les pétitions seront remises par Entraide et Fraternité aux ministres belges des Finances et des Affaires étrangères et de la Coopération au développement ainsi que, via Caritas Internationalis, aux responsables des institutions multilatérales mondiales (ONU, FMI, Banque mondiale…), notamment à l’occasion des grandes conférences internationales (COP, G7, G20, Sommet mondial pour le financement du développement – FfD4…).

Pour le volet haïtien, Entraide et Fraternité, comme membre de la Coordination Europe-Haïti (COEH), a coordonné un appel européen en faveur d’une population haïtienne qui, coincée entre une administration américaine insensible au sort des populations en difficulté à sa périphérie (malgré l’impact migratoire de cette indifférence) et une Union européenne paralysée par les enjeux du monde, demande plus que jamais justice. Et réparation – réparation de la réparation, pourrait-on écrire -, ce qui est relativement récent : « C’est dans ce contexte de bicentenaire de ce hold-up et de la mobilisation des Afro-descendant·es qu’il faut comprendre cette revendication exigeant de la France restitution et réparation.  Ce mouvement un peu timide lors de la célébration des 200 ans d’indépendance d’Haïti en 2004 prend aujourd’hui de plus en plus d’ampleur. Poussés par l’élan du mouvement afro-descendant, un peu partout dans le monde, des groupes se forment, se mobilisent pour réfléchir sur le sujet, pour organiser des conférences et faire connaître cette histoire qui est passée sous silence dans les annales françaises et du monde », explique Colette Lespinasse14Colette Lespinasse, « La plaie béante d’une rançon difficile à cicatriser », Coordination Europe-Haïti, 20 mars 2025 : coeh.eu.

  • Entraide et Fraternité et les membres de la COEH exhortent l’Union européenne et ses États membres, dont la Belgique, à se montrer à la hauteur de leur responsabilité coloniale en renforçant le soutien à la population haïtienne dans un contexte où la politique « America First » (gel de l’aide américaine) aggrave encore davantage une crise humanitaire déjà dramatique, et en soutenant la souveraineté populaire en Haïti contre toute ingérence ;
  • La COEH demande à la France de reconnaître enfin l’injustice de la dette haïtienne, de rembourser les sommes versées par Haïti et d’augmenter substantiellement son soutien, en guise de réparation pour le manque de développement dont Haïti a souffert à cause de cette dette honteuse. « Cette injustice inqualifiable constitue une meurtrissure qui ne cesse de hanter notre mémoire. Et malheureusement, le paiement de ces rançons a contribué à compromettre de manière significative les perspectives de développement de la jeune nation », avait déclaré le Conseil de transition15Le Conseil présidentiel de transition est l’institution collégiale chargée du pouvoir exécutif en Haïti. Il a été formé le 12 avril 2024, un mois après la démission du premier ministre Ariel Henry. Leslie Voltaire en était le président lors de cette déclaration, c’est désormais l’économiste Fritz Jean qui assume cette fonction. en janvier 2025, lors du 221e anniversaire de l’indépendance d’Haïti. Il a demandé à la France le remboursement de cette dette, qui aurait tout son sens dans le débat sur les réparations coloniales ;
  • Entraide et Fraternité appelle la Belgique à encourager activement l’Union européenne à renforcer son aide humanitaire et de développement à l’égard d’Haïti mais aussi à promouvoir au sein des institutions internationales dont elle fait partie (ONU, FMI, Banque mondiale, Club de Paris…) l’idée d’une annulation de la dette des pays les plus pauvres, sans renoncer (comme, malheureusement, il semble que cela soit le cas lors de la législature 2024-2029 en Belgique16Nicolas Van Nuffel et Arnaud Zacharie, « Coopération au développement : l’Arizona réaffirme certains principes mais abandonne l’objectif des 0,7% », CNCD-11.11.11, 3 février 2025 : cncd.be), à l’objectif des 0,7% du PIB dédiés à l’aide publique au développement (APD). La Belgique est également encouragée à enfin envisager des réparations financières pour son passé colonial.

Laissons à ce sujet – les réparations post-coloniales – la conclusion à Frédéric Thomas : « La réparation exige non seulement de revoir l’histoire, de décoloniser le regard, mais aussi et surtout, ici et maintenant, de changer de politique à l’égard d’Haïti, sans quoi toute transformation resterait en suspens… avant d’être retournée et balayée par le cours normal des rapports Nord-Sud et l’autoritarisme du pouvoir. La révolution haïtienne est une promesse qui doit être tenue. Aux Haïtiens et aux Haïtiennes de rééditer le geste de leurs ancêtres et de faire voler en éclats le pacte de 1825 dans le piège néocolonial d’aujourd’hui.17Frédéric Thomas, op. cit. »

  • 1
    Le texte complet de l’ordonnance et le mode d’évaluation des montants : « L’ordonnance de Charles X du 17 avril 1825 », Outre-Mers,2003, 340-341 : persee.fr
  • 2
    Ce qui en dit assez long sur l’état d’esprit français alors que le pays, Haïti, est indépendant depuis plus de 20 ans : en réalité, l’île d’Haïti porte aussi le nom de Hispaniola depuis Christophe Colomb et abrite les deux États d’Haïti (capitale Port-au-Prince) et de la République dominicaine (capitale Saint-Domingue), lesquels étaient eux-mêmes réunis sous le vocable de Colonie française de Saint-Domingue jusqu’à l’indépendance d’Haïti en 1804.
  • 3
    Après 5 tentatives de négociations infructueuses : François Blancpain and Bernard Gainot, « Les négociations des traités de 1838 », La Révolution française [Online], 16 | 2019 : journals.openedition.org
  • 4
    Une indemnité de 150 millions de francs-or, ramenée à 90 millions en 1838. Au cours de l’or aujourd’hui, 90 millions de francs-or équivalent à environ 1 milliard d’euros.
  • 5
    Synthèse complète des événements menant à l’indépendance d’Haïti à partir de la Révolte des esclaves en 1791 :  ‘Révolution haïtienne’, Wikipédia
  • 6
    ‘The Ransom Project’, The New York Times, 20 mai 2022 (également en français) : nytimes.com
  • 7
    On utilise parfois la formule de « rançon odieuse », qui fait écho à celle de « dette odieuse » : cette dernière recouvre la dette qui a été contractée par une dictature et doit être remboursée lors de la transition démocratique.
  • 8
    Thomas Piketty, Une brève histoire de l’égalité, Seuil, 2022.
  • 9
    L’occupation américaine a duré de 1915 à 1934. Le président Wilson avait décidé de défendre… les intérêts américains en Haïti sous la pression de la National City Bank of New York, l’ancêtre de Citigroup : les Américains ont fait main basse sur l’or de la Banque d’Haïti pour le mettre à l’abri à Wall Street. Lire  À la racine des malheurs d’Haïti : des réparations aux esclavagistes – The New York Times nytimes.com
  • 10
    Les Nations unies attestent du lien entre ces deux vulnérabilités : « Les pays les plus vulnérables au changement climatique le sont également aux conflits (ONU) » ONU Info, 11 juillet 2018 : news.un.org
  • 11
    Frédéric Thomas, Haïti : notre dette, Syllepse, 2025.
  • 12
    Frédéric Thomas, « Les puissances mondiales n’envisagent de solution à la crise haïtienne que sous leur supervision, sinon leur ordre », Le Monde, 10 janvier, 2025, lemonde.fr
  • 13
    Jérôme Duval, La rançon odieuse de l’indépendance, Entraide et Fraternité, août 2022 : entraide.be/publication/analyse-202209
  • 14
    Colette Lespinasse, « La plaie béante d’une rançon difficile à cicatriser », Coordination Europe-Haïti, 20 mars 2025 : coeh.eu
  • 15
    Le Conseil présidentiel de transition est l’institution collégiale chargée du pouvoir exécutif en Haïti. Il a été formé le 12 avril 2024, un mois après la démission du premier ministre Ariel Henry. Leslie Voltaire en était le président lors de cette déclaration, c’est désormais l’économiste Fritz Jean qui assume cette fonction.
  • 16
    Nicolas Van Nuffel et Arnaud Zacharie, « Coopération au développement : l’Arizona réaffirme certains principes mais abandonne l’objectif des 0,7% », CNCD-11.11.11, 3 février 2025 : cncd.be
  • 17
    Frédéric Thomas, op. cit.
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