Dans les années 1980, les autorités israéliennes ont désigné une partie de Masafer Yatta, une région située dans les collines du sud de Hébron (sud de la Cisjordanie occupée depuis 1967), comme “zone de tir 918”, une zone militaire fermée. Depuis, les résidents risquent quotidiennement l’expulsion, la démolition et le transfert forcés alors que des responsables israéliens ont reconnu qu’il s’agissait d’un artifice pour chasser les Palestiniens de leurs terres. Actuellement, à Masafer Yatta, 215 ménages vivent dans la zone, soit environ 1 150 personnes, dont 569 enfants. Leur situation s’est fortement détériorée en mai 2022 à la suite d’un arrêt de la Cour suprême israélienne qui a levé tous les obstacles juridiques à l’expulsion des Palestiniens de Masafer Yatta pour faire place à la zone de tir. Des responsables palestiniens ont confirmé qu’en janvier 2023 la plupart des habitants de Masafer Yatta avaient reçu des ordres de démolition et risquaient d’être déplacés de manière imminente. Depuis le 7 octobre 2023, la situation ne fait que s’aggraver en raison de la violence des colons qui agissent comme des milices, sous les yeux complices des forces armées israéliennes.
Plus largement, environ 20% de la Cisjordanie a été désignée comme « zone de tir ».
Genèse du documentaire No Other Land
En 2020, alors qu’Entraide et Fraternité débutait son travail dans cette région, l’ONG était approchée par son homologue française CCFD-Terre Solidaire pour soutenir une initiative documentaire portée par deux jeunes militants : Basil, un activiste palestinien originaire d’Al Tuwani, et Yuval, un journaliste israélien engagé dans la documentation des démolitions. Des premiers contacts via la Cidse (fédération des ONG catholiques européennes et nord-américaines de développement) ont convaincu ces ONG de s’impliquer dans le projet. Initialement, il prévoyait une série documentaire en plusieurs épisodes, visant à sensibiliser le public sur les conditions de vie des habitants de Masafer Yatta et les violations systématiques des droits humains dans la région. Rapidement, des producteurs et des agences internationales ont apporté un appui technique et financier conséquent pour transformer cette initiative en un documentaire d’envergure. Entraide et Fraternité, aux côtés du CCFD-Terre Solidaire, mais aussi de ses homologues flamande (Broederlijk Delen) et allemande (Misereor), a contribué au financement du projet en 2021. Ce premier soutien financier a permis l’achat de matériel, ainsi que le tournage et le montage du film.
Impact et perspectives
L’accueil public et critique est remarquable partout où le film est présenté en salles ou en festivals, ce qui contribue à en faire un outil de sensibilisation de premier plan, tout en renforçant les efforts de plaidoyer pour une paix juste et durable en Palestine. No other land a ainsi été récompensé du Prix du Courage journalistique Anna Politkovskaïa remis par le ministère français des Affaires étrangères. Le film a été couronné du prix du meilleur documentaire au Festival de Berlin (Berlinale) mais a également reçu une trentaine de prix dans d’autres festivals (Copenhague, Vancouver, Toronto, Chicago, Sheffield, Busan, Athènes, Sarajevo, Seattle, Amsterdam…) et de nombreux prix d’associations de critiques (notamment le European Film Award).
Contribution d’Entraide et Fraternité en Israël et Palestine
Le soutien d’Entraide et Fraternité s’inscrit dans une volonté de défendre les droits humains et de donner une voix aux populations marginalisées. En collaborant avec des organisations comme Haqel et Breaking the Silence, un projet plus large a été mis en place en septembre 2024, financé par Brussels International (Région bruxelloise). Ce projet vise à soutenir les populations palestiniennes des collines du sud de Hébron touchées par les violations des droits de la personne et du droit international humanitaire, notamment les agriculteurs palestiniens.
Trois sous-objectifs principaux sont poursuivis : mener des actions juridiques pour protéger les droits fonciers et lutter contre l’accaparement des terres, organiser des visites éducatives pour sensibiliser les publics israéliens et internationaux aux injustices subies par ces communautés, et renforcer la protection des agriculteurs dans l’accès à leurs terres agricoles. Les bénéficiaires directs du projet incluent les membres des communautés palestiniennes locales, avec une implication indirecte de volontaires, d’étudiants et d’activistes.
Entraide et Fraternité soutient également une organisation palestinienne engagée pour la défense du droit des femmes en milieu rural : RWDS appuie des initiatives solidaires féminines en lien avec l’agriculture et l’accès à la terre. Cultiver en zone C (sous contrôle israélien), c’est résister à l’occupation afin de promouvoir les moyens d’existence de ces communautés marginalisées et vulnérables.
Les demandes d’Entraide et Fraternité
Entraide et Fraternité est membre des groupes Palestine et Plaidoyer Palestine du CNCD-11.11.11, qui rencontre régulièrement leurs homologues néerlandophones mais aussi les responsables politiques et diplomatiques belges. Elle a également coorganisé plusieurs des manifestations tenues à Bruxelles depuis le début du conflit à Gaza, le 7 octobre 2023.
Avec les autres organisations de la société civile, nous demandons au gouvernement fédéral :
- De prendre l’initiative pour imposer un embargo militaire international complet ;
- De pousser l’Union européenne à suspendre son accord d’association avec Israël ;
- De renforcer ses efforts et les efforts internationaux pour garantir la continuité de l’accès à l’aide humanitaire et à la reconstruction pour les populations civiles de Gaza et du Liban ;
- De soutenir politiquement et financièrement les enquêtes en cours de la Cour pénale internationale (CPI), d’encourage son procureur à faire de la poursuite des auteurs de violations graves du droit international humanitaire une priorité absolue et d’arrêter les personnes poursuivies pour crimes internationaux lorsqu’elles se trouvent sur le territoire belge ;
- De soutenir pleinement la procédure contre Israël introduite par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de Justice (CIJ) afin de stopper le génocide et le nettoyage ethnique du peuple palestinien par Israël, de mettre en œuvre toutes les obligations qui découlent des arrêts de la Cour, et d’exercer une pression supplémentaire sur Israël pour qu’il se conforme pleinement à toutes les mesures provisoires décidées par la Cour ;
- De prendre des mesures pour empêcher les échanges commerciaux et investissements qui aident au maintien de la situation créée par Israël dans le Territoire palestinien occupé. Ceci impose de renforcer son appui politique et budgétaire au bon fonctionnement et à l’actualisation de la base de données de l’ONU relative aux entreprises impliquées dans la colonisation et d’interdire tout commerce avec les colonies israéliennes en territoire palestinien occupé ;
- De promouvoir de nouvelles sanctions à l’encontre des colons israéliens violents et des dirigeants politiques et militaires coupables de violations du droit international.





