Plus d’un million de Congolais étaient réunis voici quelques jours sur l’aéroport de Ndolo, à Kinshasa, pour assister à la messe donnée par le pape François. Un événement majeur dans un pays où, plus qu’ailleurs, l’Église fait office de garde-fou démocratique face aux tensions et aux dérives, aux violences du monde politique et des milices.
Le Pape s’est d’ailleurs également adressé longuement aux victimes des violences dans l’est du pays, qui lui ont livré des témoignages décrivant mutilations, viols et massacres : « À chaque famille en deuil ou déplacée en raison des villages brûlés et d’autres crimes de guerre, aux survivants des violences sexuelles, à chaque enfant et adulte blessé, je dis : je suis avec vous, je veux vous apporter la caresse de Dieu. Son regard tendre et compatissant se pose sur vous. »
François est venu sous le signe de la paix et de la réconciliation, pour encourager les Congolais à se projeter dans l’avenir et à retrouver la fraternité. Tous les discours et l’homélie du pape ont été centrés sur la paix. Ainsi, il a condamné la criminalisation des personnes homosexuelles. Il s’est aussi préoccupé de l’exploitation des richesses : « Il y a cette idée que l’Afrique doit être exploitée, pour ses richesses minières notamment, l’Afrique a sa propre dignité » a martelé le pape François, frappé et attristé par la situation à l’est de la RDC. Lors de cette messe, l’archevêque de Kinshasa, Mgr Fridolin Ambongo, un des prélats les plus proches de François, a été acclamé quand il a appelé à des élections « libres, transparentes, inclusives et apaisées. »
Vivante, ancrée au cœur de la société, en lien avec les mouvements citoyens, l’Église congolaise est une institution majeure. Par ses actions sociales, son réseau éducatif et diocésain mais aussi son engagement pour l’éveil civique et son combat pour la démocratisation, elle est « au cœur du village ». Cette visite était donc particulièrement attendue vu le poids croissant de l’Afrique dans le monde catholique : de plus en plus imaginent l’avènement d’un pape africain dans les prochaines années.
« Ce qui me frappe dans l’intervention du Pape en RDC, c’est l’attention aux invisibles, ces victimes de crimes, cette notion de compassion mais aussi le fait de relayer leur vécu. Il a une parole très courageuse face aux élites, aussi bien locales qu’internationales, politiques qu’économiques. Il parle de l’exploitation des ressources naturelles et de leur consommation. Et pose finalement la question de l’utilisation de la terre. Nous sommes complètement en phase avec cette vision de François, par exemple quand nous soutenons dans l’est du pays des projets d’agriculture écologique et familiale », analyse Axelle Fischer, secrétaire générale d’Entraide et Fraternité.
Une occasion manquée à Goma
Pour les partenaires d’Entraide et Fraternité en RDC aussi, ce voyage est un signal positif. « Le Pape a insisté sur la corruption, le détournement et le tribalisme, des anti-valeurs qui sont attribuées au régime en place par les opposants et la société civile, qui pensent que cela a pris de l’ampleur depuis l’avènement de Felix Tshisekedi au pouvoir. Ce message du Pape est donc selon eux dirigé au régime en place », explique Clément Bisimwa, coordinateur des projets d’Entraide et Fraternité au Congo.
Un regret toutefois, pointe Clément Bisimwa : « Si nombre de fidèles catholiques se sont réjouis d’avoir vu leur chef spirituel et que l’eucharistie célébrée par François a affermi la foi de nombreux fidèles, le souhait de la population de l’est du Congo était que le Pape visite la ville de Goma, comme initialement prévu, et qu’il se rende compte de la situation humanitaire des ménages, des enfants et des vieillards dans les camps des déplacées internes (plus de 500.000 personnes déplacées suite à la rébellion du M23 et l’agression par le Rwanda) autour de Goma, qu’il visite l’hôpital du docteur Mukwege à Panzi et rencontre les nombreuses victimes de viols. Cela n’a pas été possible suite à la situation sécuritaire précaire dans la région. »