La situation en Haïti ne cesse de se dégrader. Les gangs commettent de nombreuses exactions sur une personne sans défense, ce qui rend encore plus insupportable la crise généralisée (politique, sociale, environnementale, économique, humanitaire) qui frappe le pays depuis des années.
En quelques jours à peine, lors d’affrontements entre les gangs, au moins 187 personnes ont été tuées, 152 autres ont été blessées et deux femmes sont portées disparues. Près de 260 autres personnes ont été enlevées à leur domicile ou dans des lieux publics depuis le début de l’année.
Les Nations unies en Haïti ont « condamné avec fermeté la recrudescence des actes d’extrême violence perpétrés par les gangs armés dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince et le département de l’Artibonite. Cette situation s’est caractérisée par des déplacements de populations avec, comme corollaire, des pertes en vies humaines et la destruction des biens privés et publics, y compris l’abandon des rizières et des plantations en dépit de l’insécurité alimentaire. La situation est d’autant plus alarmante pour les enfants, qui sont souvent soumis à toutes les formes de violence armée, y compris le recrutement forcé et les violences sexuelles, aux conséquences dramatiques. À cela, s’ajoute la fermeture de nombreuses écoles en raison de l’insécurité causée par les gangs, mettant en cause le progrès réalisé par Haïti en matière de mise en œuvre du droit à l’éducation. »
L’Artibonite est un département rural où des paysans que nous soutenons ont été agressés et ont vu leur maison incendiée. Ces paysans sont la cible des gangs appuyés par les grands propriétaires terriens qui souhaitent s’accaparer leurs terres en toute impunité. Le plus incroyable est que ces gangs ne semblent pas motivés par une raison claire. Ils tuent, séquestrent, sans distinction d’âge, de sexe, de classe sociale. Leur principale force réside dans l’effondrement total de l’État et des institutions publiques.
La Coordination Europe-Haïti (COEH), dont Entraide et Fraternité est fondatrice, a sondé ses membres, 26 associations, ONG, plateformes, qui ont partagé leur ressenti de terrain. De manière générale, ces acteurs de terrain ont le sentiment de vivre « une situation de guerre qui ne dit pas son nom : jamais, nous n’avons vécu une telle insécurité. La population a d’autant plus peur que la police et le gouvernement semblent complices. Nous sommes totalement sans défense. C’est la négation totale de tous les droits humains. »
Pour toutes ces associations, 2023 verra encore des milliers de victimes et une balkanisation du pays : en de nombreux endroits, les gangs ont pris la place de l’État. Devant la tentation du désespoir, ces acteurs de terrain se tournent vers leurs partenaires européens, comme la COEH et Entraide et Fraternité. Ils demandent de ne pas quitter le pays mais, au contraire, d’attirer l’attention de l’opinion publique internationale sur la situation du pays et de souligner la résilience du peuple haïtien. Ils réclament aussi le départ du gouvernement actuel et la tenue d’élections crédibles avec une grande participation populaire.