
La guerre s’intensifie dans l’est de la RDC. Les rebelles soutenus par le Rwanda contrôlent le Nord-Kivu. Au Sud, où travaillent nos partenaires, la société civile demande la paix et la fin de trois décennies d’atrocités.
En cours depuis trois décennies dans la foulée du génocide rwandais, le conflit dans l’est de la République démocratique du Congo a pris un tour nouveau ces derniers jours. Ce lundi 27 janvier, Goma, la grande ville du Nord-Kivu, à la frontière du Rwanda, est tombée entre les mains des rebelles. Des violents combats ont eu lieu autour de la ville, 700.000 civils ont fui, les frontières ont été fermées, la force des Nations unies (Monusco) a perdu une quinzaine de soldats, les soldats réguliers se sont rendus « pour éviter un carnage », les mercenaires sont partis, l’aéroport est mis hors service, les personnels étrangers et de l’ONU ont été évacués, les tentatives de médiation diplomatique n’ont rien donné, pas plus que la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU.
« La situation humanitaire se dégrade d’heure en heure. Nous assistons maintenant à une deuxième phase de l’offensive du M23, soutenue très activement par des troupes rwandaises non voulues sur le sol congolais », a déclaré ce lundi le ministre belge des Affaires étrangères, Bernard Quintin, lors d’un conseil européen. « Cela crée une situation militaire évidemment catastrophique, mais surtout une situation humanitaire encore plus catastrophique. La souveraineté, l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo doivent être respectées par toutes, par tous, en tout temps et en tout lieu. »
Entraide et Fraternité est active au Sud-Kivu, la province voisine, au travers de ses associations partenaires. À l’heure actuelle, leurs travailleurs et travailleuses et les communautés avec lesquels ils et elles travaillent sur le terrain sont à l’abri, selon les témoignages de nos partenaires sur place. « Tout le monde s’est réveillé ici avec la peur et la désolation au visage », dit l’un de nos interlocuteurs en RDC. « Vu l’importance du contingent militaire congolais présent à Goma, des hommes de la Monusco et ceux de la SADC (Communauté des États d’Afrique australe), nous ne pensions vraiment pas que Goma pouvait tomber. Désormais, c’est l’inconnue. Bukavu n’est accessible depuis Goma que par bateau, via le lac Kivu, les routes étant coupées. À ce stade, les membres de nos associations sont encore en sécurité mais certains ne sont qu’à 50 km de la ligne de front. »
La Foire agricole venait de s’achever
Toutefois, le Sud-Kivu est déjà, en temps « normal », en proie à de nombreuses violences dont la situation un peu plus au nord pourrait provoquer la multiplication. Même si chacun et chacune se veut rassurant, Numbi et surtout Minova (ville stratégique de par sa position face au lac) sont aussi tombées aux mains du M23, ce qui montre que le conflit pourrait continuer de s’étendre au Sud. Minova fait également partie du territoire d’action de nos partenaires.
Voici quelques jours à peine, tous ces partenaires d’Entraide et Fraternité étaient réunis à Walungu pour l’événement agricole annuel organisé par eux. Les 14es Journées champêtres étaient une occasion pour les agriculteurs, les éleveurs, les artisans et les micro-entrepreneurs ruraux, en provenance d’Idjwi, de Kalehe, de Kabare, de Walungu, d’Uvira et de Fizi, d’échanger sur leurs expériences, leurs réussites, leurs innovations et leurs défis. « Chacun et chacune a eu le temps de rentrer chez soi avant que la situation ne devienne vraiment préoccupante au Nord. Il est difficile de savoir si les rebelles vont se satisfaire de prendre Goma et d’essayer d’y obtenir des concessions du président Tshisekedi. Là où la situation est actuellement la plus éprouvante, c’est sur l’île d’Idjwi (au milieu du lac Kivu, sur la frontière RDC-Rwanda), où est active une des organisations partenaires : 25.000 réfugiés y ont afflué en quelques heures dans des conditions humanitaires désastreuses. »
L’inquiétude est grande. Ce lundi matin, à Bukavu, à l’appel de la société civile et des ONG, les rues ont été envahies par des milliers de manifestants et manifestantes demandant la paix après 30 ans de guerre et d’atrocités. L’Église et les autorités locales ont soutenu ce mouvement, estimant que cette offensive intervient « au moment où, pour la toute première fois, nous commençons à réglementer le secteur minier afin qu’il profite enfin aux populations du Sud-Kivu. »