Quel est le problème ?
BIO est la banque belge d’investissement pour les pays en développement, détenue à 100% par l’État belge. Alors qu’elle est financée par l’argent public et qu’elle est tenue de contribuer aux Objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU, elle se retrouve aujourd’hui indirectement concernée par une plainte déposée contre la multinationale Tozzi Green, qu’elle finance !
La plainte a été déposée en octobre 2023 par des organisations des sociétés civiles italienne et malgache, dont le BIMTT (partenaire d’Entraide et Fraternité), devant le Point de contact italien de l’OCDE, pays où se trouve le siège de la multinationale. Il s’agit de la première plainte portant sur un cas d’accaparement de terre dans un pays du Sud.
Tozzi Green exploite deux plantations à grande échelle via sa filiale JTF Madagascar (Jatropha Technology Farm Madagascar). Le premier bail date de 2012 et concerne près de 7000 hectares de terres dans deux communes de la région d’Ihorombe, dans le centre-sud de Madagascar. Cette surface était initialement destinée à la culture de jatropha curcas, une plante utilisée pour produire des agrocarburants. Cette plantation n’ayant pas donné les résultats escomptés, JTF l’a remplacée par la culture du maïs à destination de producteurs de nourriture pour volailles dans l’île. Le deuxième bail de près de 4000 hectares a été signé en 2018. Empiétant sur les terres d’une troisième commune, il vise à étendre les plantations de maïs mais aussi à cultiver du géranium, dont les feuilles et les tiges sont transformées localement par JTF en huile essentielle, qui est ensuite exportée à l’international. Depuis plus de dix ans, les communautés locales protestent contre les concessions octroyées à JTF-Tozzi Green (les deux baux signés entre JTF et l’État) et en particulier contre l’absence de participation, d’information et d’indemnisation adéquates des communautés locales.
Pour les plaignants soutenus par Entraide et Fraternité, les activités de Tozzi Green contribuent également à menacer la sécurité alimentaire des habitants de la région Ihorombe, du fait du détournement de l’eau nécessaire aux rizières par les motopompes de l’entreprise mais aussi parce que les produits cultivés par l’entreprise sont soit destinés à l’exportation (huiles essentielles extraites du géranium) soit à l’alimentation animale (maïs), et non pour les aliments de base qui peuvent nourrir directement la population locale dans un pays, qui est déjà confronté à une grave crise alimentaire. Ajoutons que la principale source de revenus de la population locale est l’élevage, particulièrement mis à mal par les activités agro-industrielles de Tozzi Green qui portent sur de très grandes portions de terre utilisées auparavant par la population comme zones de pâturage.
En conséquence, les plaignants demandent à Tozzi Green qu’elle
- cesse ses activités et quitte la région d’Ihorombe, en restituant les terres accaparées aux communautés locales par le biais d’un processus transparent, efficace et participatif ;
- verse aux membres des communes affectés, dont les terres ont été occupées et accaparées, des compensations pour les dommages subis et que ces montants soient utilisés pour promouvoir des projets communautaires.
Que demandons-nous à l’État belge ?
- Arrêter immédiatement le financement par BIO d’entreprises agro-industrielles (comme Tozzi Green) impliquant l’acquisition de terres à grande échelle. Pas d’accaparement de terres avec l’argent public !
- Orienter l’argent public de la coopération au développement vers le financement de projets agroécologiques.
- Assurer l’accès des communautés locales à la justice belge en cas de violation des droits humains ou de dommages sociaux et environnementaux causés par les investissements de BIO.