Julie Sancho, chargée des partenariats d’Entraide et Fraternité avec l’Amérique latine, s’est rendue fin janvier au Nicaragua, pays d’Amérique centrale, à la rencontre des différents partenaires locaux de l’association. L’objectif ? Faire le point sur l’évolution du programme 2022-2026, rencontrer les nouveaux partenaires et analyser leurs besoins dans le contexte local actuel pour assurer la continuité de nos actions.
Depuis décembre 2018, plus de 5.600 ONG1vaticannews.va/fr/eglise/news/2025-01/au-nicaragua-plus-de-30-religieuses-venant-de-trois-monasteres.html ont été interdites par le gouvernement nicaraguayen. Une forte répression qui n’a pas épargné certains partenaires d’Entraide et Fraternité qui ont été illégalisés en 2022 et 2024. Quelle est la situation aujourd’hui ?
À l’heure actuelle, 80 % des organisations non gouvernementales au Nicaragua ont été illégalisées et dissoutes.
Le cadre juridique qui régit les ONG dans le pays est extrêmement exigeant. De nouveaux règlements et de nouvelles exigences apparaissent chaque semaine. Les partenaires doivent consacrer énormément de temps et d’énergie pour se tenir informés et pouvoir s’adapter afin de garantir la pérennité de leurs associations.
De nombreux bailleurs de fonds ont quitté le pays à cause de ces difficultés administratives ce qui a affaibli la société civile.
Comment évolue, dans un contexte aussi difficile pour la société civile, le programme quinquennal d’Entraide et Fraternité ?
Nous avons réussi à maintenir la présence des équipes de terrain de nos partenaires auprès des communautés paysannes grâce à l’obtention d’autres statuts et à un appui juridique quotidien.
Le programme d’Entraide et Fraternité, qui a pour objectif d’assurer la sécurité alimentaire des communautés vivant dans trois municipalités du « couloir sec » situé au nord du pays, a ainsi pu se poursuivre et se développer.
L’accent est mis actuellement sur l’accompagnement de coopératives composées de femmes. Grâce au programme, plus de 50 femmes ont pu acquérir des terres et elles y appliquent les techniques agroécologiques. Certaines de ces femmes se sont organisées en coopératives ce qui leur permet, d’une part, de vendre leur production en plus grande quantité et donc à un meilleur prix, et d’autre part, d’investir collectivement dans certaines infrastructures et machines telles que les banques de semences ou des moulins à grains.
Mais de nombreux défis subsistent : l’accaparement des terres pour la culture du tabac et des monocultures de légumes continue d’être un défi en raison de la détérioration des biens communs et de la disponibilité réduite d’espaces pour implémenter les parcelles agroécologiques. Le changement climatique constitue aussi un défi croissant en raison des évènements météorologiques extrêmes comme les sécheresses ou les ouragans, qui sont de plus en plus souvent responsables de la perte des récoltes.
Qu’est-ce qui t’as le plus marqué durant ton séjour aux côtés des communautés paysannes ?
La résilience et la force des femmes nicaraguayennes !
Elles résistent aux tentatives d’accaparement de leurs terres, deviennent même propriétaires et intensifient leurs pratiques agroécologiques pour obtenir une alimentation saine.
Elles s’organisent en associations autonomes et développent leurs propres activités génératrices de revenus. Elles prennent ainsi non seulement confiance en elles, mais elles deviennent aussi indépendantes et sont davantage écoutées au sein de leur foyer et de leur communauté. Une véritable victoire dans une société où le machisme est omniprésent.
Ce qui m’a également marquée est la fierté des femmes, comme des hommes, participant aux activités développées dans le cadre de notre programme. Toutes et tous sont fiers du chemin parcouru, de montrer l’évolution de leur terrain, de faire gouter le fruit de leurs récoltes, et de pouvoir générer des revenus qui leur permettent de faire des investissements, que ce soit dans du matériel agricole, dans des petites infrastructures de commerce, ou dans leur maison. Tous ces investissements améliorent non seulement leur qualité de vie, mais aussi celle de leur famille et, indirectement, de toute la communauté.
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