Sur une colline de terre des manifestants malgaches ruraux avec des pancartes

Une jeunesse en quête de justice

# BIMTT # IBC # jt225
Partager

Pérou, Philippines, Madagascar… partout, un même drapeau flotte dans les rues : celui de One Piece. Inspiré d’un manga où des pirates défient des gouvernements corrompus, il est devenu l’emblème d’une jeunesse – la « génération Z » – décidée à ne plus se taire face aux inégalités et à l’injustice.

Madagascar : les jeunes renversent le pouvoir

Fin septembre 2025, la jeunesse malgache s’est mobilisée massivement. Ce mouvement de la « génération Z », né d’un ras-le-bol face aux coupures d’eau et d’électricité, s’est rapidement transformé en une contestation politique, dénonçant la corruption et exigeant la démission du président Andry Rajoelina ainsi qu’une refonte du système. Malgré la répression violente, qui a fait des dizaines de morts, les jeunes ont continué à se rassembler dans tout le pays.

« Les manifestants ne réclament pas seulement de meilleures conditions matérielles, mais aspirent à la justice sociale, à la responsabilité de l’État, à la transparence et au respect de la dignité humaine. »

Collectif TANY, partenaire d’Entraide et Fraternité

Face à cette pression populaire, le président a finalement fui le pays le 11 octobre, marquant une véritable victoire pour la jeunesse.

Le nouveau régime va-t-il répondre aux attentes?

Le colonel Michael Randrianirina est devenu le nouveau président le 17 octobre, formant un nouveau gouvernement de 29 ministres chargé de lutter contre la corruption et de sortir le pays de la crise. Mais la prudence est de mise, comme le met en avant le BIMTT, partenaire d’Entraide et Fraternité :

« La révolution malgache de 2025, portée par l’aspiration de la jeunesse à un changement radical, est à la croisée des chemins. Elle risque d’être confisquée par les mêmes élites prédatrices et les mêmes intérêts étrangers (notamment la France) qui ont maintenu le pays dans la pauvreté. L’organisation d’une assise nationale véritablement souveraine et inclusive est la seule chance d’une véritable refondation. Sans cela, le sacrifice de la Gen Z n’aura servi qu’à un changement de façade. »

BIMTT

Pérou : la jeunesse unie ne sera jamais vaincue

Depuis le mois de septembre, la jeunesse péruvienne descend massivement dans les rues de Lima pour exiger la démission d’une classe politique corrompue ainsi qu’une meilleure sécurité, alors que les assassinats liés au crime organisé se multiplient.

L’arrivée au pouvoir de José Jeri, ancien président du Congrès, suite à la destitution de Dina Boluarte, n’a en rien apaisé la contestation. La répression violente d’une marche pacifique le 15 octobre, qui a fait un mort et plus de cent blessés, n’a fait qu’attiser la colère et raviver le traumatisme des mobilisations de 2022 et 2023 (50 morts).

Steve, jeune leader de l’IBC, partenaire d’Entraide et Fraternité, était dans la foule ce jour-là. Profondément bouleversé par la mort du jeune Eduardo Ruiz Sanz, il en a tiré un témoignage poignant d’une jeunesse déterminée à ne plus se taire.

J’étais un manifestant

Un parmi tant d’autres corps anonymes qui sont sortis dans la rue pour réclamer quelque chose d’aussi simple que le droit d’exister sans peur.

J’étais l’un de ceux que l’histoire appellera « morts lors des manifestations », comme si c’était la manifestation qui avait tué, et non l’arme.

J’étais un manifestant. Et depuis cette condition – si humaine et si redoutée -, j’ai appris que l’État a une bonne visée.

Il ne tire pas en l’air, il ne tire pas au hasard : il tire sur les corps bruns, sur ceux qui viennent des hauteurs, sur ceux qui parlent quechua, sur ceux qui ne votent pas comme Lima.

On nous a traités de terroristes, de délinquants, d’infiltrés. Mais nous n’étions que des citoyens qui réclamaient justice. Et dans ce pays, la justice est souvent la première morte de chaque répression.

J’étais un manifestant. On nous a dit que les morts, c’était de notre faute, que nous n’aurions pas dû sortir, que l’ordre devait être maintenu.

Mais quel ordre peut se maintenir sur des cadavres ? Quelle paix peut se construire sur le sang du peuple?

J’étais un manifestant. Et bien qu’aujourd’hui je me parle au passé, je n’ai pas disparu.

Je suis dans chaque jeune qui sort avec sa pancarte et crie « Pas un de plus ! ».

Nous n’avons pas été des héros, ni des martyrs, ni des saints. Nous avons été des citoyens fatigués des abus, du mensonge, du mépris.

Nous avons été ceux qui ont dit « assez » quand personne ne voulait l’entendre. Et c’est pour cela qu’on nous a tués.

J’étais un manifestant. Et si un jour le pays se réveille libre, ce sera parce que ceux qui sont restés en vie ont appris à ne pas oublier. Parce que ceux qui sont tombés nous ont appris à ne pas nous agenouiller.

Parce que leurs ombres continuent de saigner, nous rappelant que la justice n’est pas un discours : c’est un acte en suspens.

J’étais un manifestant.

Et bien qu’ils m’aient tué, je continue de marcher dans la mémoire de tous ceux qui croient encore que la justice arrivera un jour.

Texte de Steve Privat, IBC, partenaire d’Entraide et Fraternité