Maria Moreira est responsable du secteur production du MST (Mouvement des travailleurs ruraux sans terre) pour l’État de Goiás. Elle a été menacée de mort et, depuis, vit cachée.
Que fait le MST ?
« Nous soutenons les luttes des communautés. Nous voulons conquérir ces terres qui nous ont été attribuées puis reprises par Bolsonaro, non juste pour les posséder mais pour les cultiver. C’est notre raison d’être. Produire, c’est résister puisque nous montrons qu’on peut le faire sans passer par l’agrobusiness et en rendant service à la communauté : on vend nos produits au marché ou on les donne dans les quartiers pauvres. Notre vraie lutte, c’est de parvenir à produire nos moyens de subsistance et d’en générer des revenus. L’égalité des droits est un combat central, au-delà de la lutte pour la terre : la terre est une chose, la cultiver dans le respect, la dignité, en la valorisant, en ayant à manger tous les jours grâce à notre production, c’est cela notre lutte. »
Peut-on dire que ces campements fonctionnent comme des coopératives ?
« Oui, d’une certaine façon. Nous travaillons à la base. Au sein de nos structures communautaires, nous répartissons les compétences entre autant de coordinateurs et surtout de coordinatrices : la production, l’éducation, la santé, les infrastructures, le financement, la formation, la direction politique… Jusqu’à janvier, j’étais responsable de la coordination politique : c’est comme cela ici, nous changeons de fonction tous les 2 ans. On a un fond de caisse pour garantir nos besoins, le recours aux avocats par exemple. Nous travaillons avec des avocats qui soutiennent notre cause et l’apport d’Entraide et Fraternité est important au niveau financier. »
La place des femmes est enfin reconnue dans le monde rural ?
« La majorité de la direction chez nous est composée de femmes. Nous les encourageons à prendre la tête des structures. Mettre les femmes en avant et montrer leur importance, c’est une forme de résistance. En 7 ans, je peux dire que je suis devenue quelqu’un d’autre au MST, je suis devenue une femme : respectée, autonome, émancipée. Ce travail passe par des formations : on apprend aux femmes à ne pas accepter les agressions. On leur explique que la violence, conjugale par exemple, cela peut être une violence verbale ou psychologique. La plupart d’entre elles ignorent qu’il s’agit d’agressions. On leur fait aussi comprendre l’importance d’avoir leur propre revenu : si elles gagnent de l’argent, elles peuvent acheter ce qu’elles veulent sans demander au mari, c’est de l’autonomisation. Mais ce n’est pas facile car, malgré tout, nombre de femmes ont des réflexes patriarcaux. Ce n’est plus le cas dans nos communautés parce que nous avons fait un boulot énorme avec ces femmes. »
Paru dans le Juste Terre ! n° 198
lire plus