Julie Sancho, chargée des partenariats d’Entraide et Fraternité avec l’Amérique latine, s’est rendue au Guatemala en mars dernier à la rencontre des différents partenaires locaux de l’association. Une mission qui a pu être menée à son terme, au contraire de la précédente en octobre de l’année passée, écourtée à cause des fortes mobilisations démocratiques ayant paralysé le pays.
Quel est le sentiment des communautés indigènes qui se sont mobilisées pour le respect de la démocratie ?
Les communautés indigènes sont très fières de l’ampleur du mouvement. Le mouvement lancé par les autorités indigènes a, en effet, réuni tout le peuple guatémaltèque. La grande participation des femmes et des jeunes, traditionnellement moins impliqués dans les revendications publiques, constitue également une forte satisfaction. Cependant, les communautés restent vigilantes car le nouveau président a une marge de manœuvre réduite. Son parti est minoritaire dans les différentes instances comme le Congrès. Le président avait, par exemple, promis une meilleure représentation des indigènes dans le gouvernement. Or, seule une femme a été nommée… Le chemin est encore long même si cela constitue une première avancée.
Comment avance le programme quinquennal d’Entraide et Fraternité lancé en 2022 ?
Très bien ! J’ai participé à un séminaire qui a rassemblé les partenaires d’Entraide et Fraternité au Guatemala mais également ceux du Nicaragua ainsi que la coordinatrice péruvienne du programme au Pérou, Lidia Rojas Matos. Ce fut un moment très riche. Nous avons abordé trois axes essentiels : l’égalité de genre, le plaidoyer auprès des autorités pour un changement des politiques publiques et la transition vers l’agroécologie. Nous avons beaucoup débattu d’un outil qui permet de mieux visualiser les avancées vers l’adoption de l’agroécologie et, donc, de construire des projets encore plus efficaces. Tous les partenaires sont très intéressés et comptent l’adapter aux réalités de leur pays. Ce serait une belle avancée pour atteindre les objectifs du programme.
Qu’est-ce que vous retenez de ces rencontres avec les communautés paysannes ?
La force des différents groupes de femmes qui vivent dans des régions isolées au climat extrêmement difficile. Outre le groupe de femmes soutenues par Ceiba, la vingtaine de femmes vivant à San Juan Oxtuncalco et soutenues par notre autre partenaire local Serjus m’a beaucoup inspirée. Elles ont mis en place des groupes d’épargne solidaire. C’est vraiment sur le terrain que j’ai compris leur importance. Ces groupes leur permettent de gérer leur propre argent, de ne plus dépendre de leur mari pour la gestion des revenus et de visibiliser la richesse qu’elles produisent. C’est un véritable outil d’émancipation. Elles développent ainsi de nouvelles activités génératrices de revenus (production d’engrais biologique, de maïs transformé, etc.) qui améliorent les conditions de vie de toute la communauté. J’ai également été marquée par la prégnance de la culture maya. Chaque journée a, par exemple, débuté par une cérémonie sur l’énergie du jour selon le calendrier maya. Un moment vraiment fort.
Quel impact a eu la pandémie sur les jeunes vivant dans la rue ?
La drogue et la violence qu’elle génère toujours s’est fortement répandue dans les rues. Les organisations criminelles ont profité de la pandémie pour s’implanter davantage dans le centre de la capitale. Les jeunes de la rue sont une cible de choix. Elles poussent les jeunes à consommer de la drogue afin d’oublier leurs conditions de vie difficiles ou bien les engagent en tant que dealer et les menacent physiquement s’ils refusent. Il est plus difficile dans ce contexte pour le Mojoca de nouer un contact en toute sécurité avec les jeunes.
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué durant ce temps passé chez Mojoca ?
La volonté énorme des jeunes d’une vie meilleure. De sortir du cycle de la violence, de faire des études, de trouver un travail et un logement. L’entraide entre les jeunes est également remarquable. Mais le chemin est parsemé d’obstacles. Il faut fournir beaucoup d’efforts pour établir un contact avec un ou une jeune vivant dans la rue et, ensuite, pour l’accompagner à se réinsérer. La clé du Mojoca réside justement dans le fait que l’organisation leur permet de se projeter sur le long terme, sans juger les jeunes.
Notre action envers les jeunes
Entraide et Fraternité soutient depuis plusieurs années le précieux travail du Mojoca (Mouvement des jeunes de la rue), qui est notamment actif dans le domaine du droit à l’alimentation.
Environ 5000 enfants et jeunes vivent dans la rue au sein de la capitale. Plus de 1500 ont plus de 18 ans. Leurs conditions sont très difficiles : violence, faim, maladies, drogue, etc. Le gouvernement national et les autorités locales n’interviennent pas et laissent les jeunes à leur triste sort.
Le Mojoca se mobilise pour faire respecter les droits les plus fondamentaux des enfants et des jeunes de la rue : santé, alimentation, éducation et préparation à la recherche d’un emploi décent permettant de vivre une vie digne. Les jeunes sont justement au cœur du fonctionnement du Mojoca : ils participent à son fonctionnement et à la prise des différentes décisions.
En 2024, Entraide et Fraternité soutient l’action globale du Mojoca afin de faire sortir 80 jeunes de la rue ayant entre 18 et 26 ans. Un public qui ne cesse de s’accroître. Au programme : visites de rue, aide alimentaire, assistance médicale et psychologique, formation à la santé, activités récréatives, formation au lancement de sa micro-entreprise, etc. Chaque jeune sera suivi individuellement. Un accent sera également porté sur le renforcement de leur estime de soi et sur la promotion de leurs droits.