En 2002, Tractebel, alors encore belge avant de passer sous le contrôle du groupe français Engie, a inauguré le barrage de Cana Brava, à Minaçu. Un millier de personnes ont été expulsées : seules 40% d’entre elles ont été indemnisés à hauteur de … 1000 euros pour voir leur vie engloutie. Depuis 25 ans, les victimes se battent pour obtenir réparation.
« Tractebel n’a indemnisé que les gens qui avaient un document de propriété légitime. Cela veut dire que toutes les personnes démunies qui faisaient usage de ces terres sans propriétaire pour se nourrir ou gagner leur vie n’ont rien reçu. La plupart n’ont même pas été prévenus : un jour, on est venus nous dire que l’eau montait et que nous devions partir. Nous n’avons plus rien et Engie refuse de discuter avec nous. Nous avons été contraints à aller vivre en ville, sans emploi. Pour nos enfants, le déracinement a été pire : certaines de nos filles sont tombés dans la prostitution et certains de nos fils dans la drogue et la délinquance. »
Des mines sans scrupules
L’extraction minière est, avec l’agro-industrie, l’autre fléau du Brésil rural. Les sous-sols étant la propriété de l’État, il est d’autant plus facile de chasser les communautés agricoles de base qu’elles sont en général en attente de papiers officiels attestant de leur droit d’usage ou qu’elles sont constituées de communautés marginalisées.
La terre promise des « acampamentos »
Autour de Formosa, 280 familles sans terre vivent sur les 3 sites de l’« acampamento » (campement d’occupation) Don Tomas Balduino. Comme 150.000 autres personnes dans le pays, elles exploitent des terres promises qu’elles espèrent obtenir par la voie légale. Ce devait être le cas d’un certain nombre de terres privées devant être achetées par l’État jusqu’à ce que ces transactions soient annulées sous Bolsonaro. Transformés en camps retranchés, ces « acampamentos » sont régulièrement l’objet d’agressions des grands propriétaires.
« Voici deux mois, le fermier voisin, qui veut récupérer ses terres puisque l’État a renoncé à les lui acheter, a ouvert les grilles de ses champs d’élevage. Ses vaches sont venues détruire une partie des plantations communautaires que nous avons plantées grâce à Entraide et Fraternité. Cela nous a coûté 6.000 euros mais nous n’avons pas répliqué, nous ne sommes même pas allés voir la police. Nous savons que c’est ce qu’il cherche pour pouvoir nous chasser. Depuis 7 ans, nous résistons en plantant, en consommant, en vendant, en distribuant. C’est notre raison d’être : montrer que nous avons notre place ici, en produisant, en subvenant à nos besoins, en distribuant une partie de notre production aux quartiers pauvres.»
Fatima Maria de Silva do Nascimento, travailleuse rurale de la zone 1 du campement Don Tomas Balduino