La dette écologique est au cœur des inégalités mondiales. Alors que les pays les plus riches ont historiquement épuisé les ressources de la planète et produit la majeure partie des émissions de gaz à effet de serre, ce sont les pays les plus pauvres qui paient aujourd’hui le prix fort du changement climatique. Malgré des discours internationaux répétés, comme lors de la récente conférence de Séville sur le financement du développement, peu d’actions concrètes viennent apaiser cette injustice.
Qu’est-ce que la dette écologique ?
La dette écologique désigne les déséquilibres environnementaux et économiques entre le Nord et les pays du Sud.
Elle s’appuie sur un constat : 80% des émissions historiques de gaz à effet de serre proviennent des pays du G20 (États-Unis, Chine, Union européenne…), tandis que les pays les moins industrialisés n’en sont responsables qu’à hauteur de 4%. Pourtant, ce sont bien ces derniers qui subissent de plein fouet les conséquences du changement climatique.
Ce déséquilibre environnemental vient s’ajouter à une crise de la dette financière plus ancienne, héritée du colonialisme et de la dépendance aux institutions financières internationales. De nombreux pays du Sud doivent aujourd’hui consacrer davantage de ressources au remboursement de leur dette qu’à la santé, à l’éducation ou à la lutte contre le réchauffement climatique. On parle alors d’un double fardeau : écologique et financier.
Un sommet sans réponses concrètes
À la conférence sur le financement du développement de Séville, organisée par les Nations Unies du 30 juin au 03 juillet, les attentes étaient fortes. Les ONG et acteurs de la société civile espéraient une refonte en profondeur de l’architecture financière internationale. Malgré les discours affichant de bonnes intentions, les résultats ont été largement décevants. Aucune avancée significative n’a ainsi été obtenue : pas de mécanisme contraignant, pas de convention internationale sur la dette, et peu de mesures réellement nouvelles, hormis quelques promesses d’études et de coordination technique. L’Union européenne elle-même a été pointée du doigt pour avoir bloqué des réformes ambitieuses, notamment la création d’un mécanisme multilatéral de gestion des dettes souveraines. Une opportunité manquée de remettre de la justice dans un système qui, en l’état, perpétue les inégalités.
Un système au bord de l’effondrement
Les données les plus récentes donnent pourtant la mesure de l’urgence. En 2023, 921 milliards de dollars ont été versés par les pays du Sud pour le service de leur dette, soit presque le double du montant enregistré dix ans plus tôt.
Plus de 3,4 milliards de personnes vivent dans des pays qui consacrent plus d’argent à rembourser leur dette qu’à leurs services sociaux de base.
En Zambie, par exemple, les hôpitaux manquent de médicaments, les écoles ferment faute d’enseignants, et le coût de la vie explose.
Les citoyens ordinaires paient le prix dévastateur d’accords auxquels ils n’ont jamais consenti.
Mputa Ngalande, Coordinateur national de la Fight Inequality Alliance en Zambie
Des voix s’élèvent, timidement
Malgré cette inertie globale, certaines initiatives émergent. Le pape Léon XIV, dans un message vidéo adressé à des universitaires brésiliens, a relancé l’appel à une remise de la dette publique et écologique, en préparation de la COP30. Il a réaffirmé l’importance d’une justice écologique et sociale portée par les universités et les mouvements citoyens.
Dans le prolongement, le Dicastère (« ministère » au Vatican) pour le Développement humain intégral a proposé une nouvelle architecture financière mondiale qui intégrerait un « crédit écologique » en faveur des pays les plus touchés par les désastres climatiques.
Quant à l’Espagne, elle a mis en place un mécanisme innovant : la conversion annuelle de 60 millions d’euros de dette en investissements sociaux et environnementaux, touchant des secteurs comme l’éducation, la santé ou la transition énergétique. Une initiative louable mais encore marginale à l’échelle mondiale.
Deux revendications urgentes
Face à l’inaction persistante et à la gravité de la situation, deux revendications majeures doivent aujourd’hui être portées avec force :
- L’annulation inconditionnelle des dettes insoutenables, pour libérer les ressources nécessaires afin de permettre aux pays concernés de garantir les droits humains fondamentaux, de faire face à l’urgence climatique et de construire des sociétés plus égalitaires.
- La création d’une convention-cadre internationale sur la dette souveraine, portée par les Nations unies, qui établirait des règles justes, équitables, transparentes et applicables à tous, et permettrait de prévenir les crises de manière durable.





