Un agriculteur de Lessines attaque le géant TotalÉnergies en justice pour ses atteintes au climat – et donc indirectement à son exploitation. Une première !
Hugues Falys n’est pas un inconnu dans le petit monde agricole wallon : c’est, en effet, le porte-parole du syndicat Fugea (Fédération unie de groupements d’éleveurs et agriculteurs) prônant l’agriculture durable. Soutenu par trois ONG – la Ligue des droits humains, Greenpeace et Fian -, il s’est présenté le 16 avril devant le tribunal de l’entreprise de Tournai, qui a fixé les plaidoiries à novembre 2025.
Agriculteur-éleveur depuis 30 ans à Lessines, pionnier de la transition agroécologique, Hugues Falys a enduré plusieurs événements climatiques extrêmes dont des épisodes de sécheresse. Des pertes importantes, un surcroît de travail, un stress permanent et une immense inquiétude rythment son quotidien. Alors, Falys s’attaque à un géant tout puissant : le groupe français TotalÉnergies, un des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre au monde, qu’il accuse – symboliquement – d’être le responsable des conséquences du dérèglement climatique qu’il subit.
Selon des historien·nes qui ont fouillé les archives de Total, la compagnie connaît depuis 1971 l’étendue de son impact sur le climat mais a entretenu la théorie d’une absence de preuve scientifique du dérèglement climatique.
Son bilan humain comme environnemental est désastreux partout dans le monde : l’ex- Total a refusé de se retirer de Russie sans subir de sanction, a mis des années à retirer son soutien à la junte militaire birmane, va reprendre son mégaprojet gazier au Mozambique… Des collectivités locales, dont les villes de Paris et de New York, ont assigné la compagnie multinationale pour « inactivité climatique ». De l’Ouganda au Kazakhstan, de l’Arctique russe à la Norvège ou au Brésil en passant par les eaux sud-africaines, le groupe français est lié à au moins vingt- trois sites géants d’extraction d’hydrocarbures.
On appelle les projets d’extraction d’énergies fossiles (425 dans le monde) des « bombes carbone » ou « bombes climatiques ». À elles seules, les 23 bombes pétrogazières dont TotalÉnergies est l’opérateur ou l’actionnaire pourraient entraîner le rejet dans l’atmosphère de 12% du budget carbone total restant à l’humanité pour limiter le réchauffement sous la barre des 1,5°C, selon le GIEC.
Quelle que soit la décision de la justice, elle sera attentivement scrutée sur le plan jurisprudentiel.