Deux tracteurs devant des bâtiments de bureau, un porte une grande pancarte : Importations - nous exigeons les mêmes normes que nous
photo par Brieuc Van Elst
Cartes blanches

S’opposer au Mercosur, une évidence !

Défendre un autre commerce agricole est une nécessité !

La Fugea (Fédération Unie de Groupements d’Eleveurs et d’Agriculteurs) et Entraide et Fraternité appellent à refuser l’accord UE-Mercosur et à repenser la politique commerciale de l’UE.

L’accord de libre-échange UE-Mercosur refait parler de lui ces dernières semaines. La Commission européenne pousse à sa conclusion, entraînant une levée de boucliers en Wallonie et ailleurs en Europe. Opposés de longue date à cet accord, nous pensons que ses fondements sont obsolètes et que la contestation actuelle met en lumière les incohérences de l’Union européenne et l’urgence de réorienter sa politique commerciale (et agricole). Il est temps de sortir l’agriculture des accords de libre-échange et de construire un nouveau cadre pour le commerce agricole, fondé sur la coopération et la souveraineté alimentaire.

Un accord qui sacrifie l’agriculture et la transition du secteur

Le secteur agricole est en première ligne de l’opposition à l’accord UE-Mercosur. Comme trop souvent, l’agriculture a été utilisée comme monnaie d’échange dans les négociations avec ces pays (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay, bloc complété récemment par la Bolivie). Pour mieux exporter des voitures, produits chimiques ou services vers les pays du Mercosur, nous ouvrons nos frontières aux importations de produits alimentaires en augmentant nos quotas. Viande bovine, volaille, sucre… nous en produisons déjà suffisamment (ou sommes en capacité de le faire), mais nous serons quand même mis en concurrence avec des productions qui ne respectent pas nos normes environnementales, sanitaires ou de bien-être animal. Comment demander à nos agriculteurs et agricultrices de produire de manière plus durable tout en étant concurrentiel face à l’agro-industrie brésilienne ? Des injonctions contradictoires qui ne sont pas tenables sur le terrain, et qui font de ce traité une menace pour nos fermes et leur transition vers une agriculture durable.

Un danger pour la planète et les citoyens

Toutes les études le confirment : cet accord est une catastrophe environnementale et sociale. En stimulant la production agro-industrielle dans les pays du Mercosur, il aggrave la déforestation – qui pourrait augmenter de 700.000 hectares – et accroît les émissions de gaz à effet de serre de 34 % pour la production et le transport des 8 principaux produits concernés. C’est aussi une menace pour les droits humains et sociaux des populations locales, ainsi qu’un risque pour les consommateurs et consommatrices européen·nes. Récemment encore, nous avons appris que l’Europe avait importé pendant des années de la viande bovine brésilienne pouvant contenir des hormones de croissance, considérées comme cancérigènes par l’UE.

L’heure de réviser les politiques commerciales de l’UE

Il est impératif de rejeter cet accord. Les indemnisations des éleveurs pensées par la Commission sont une provocation, et les « clauses miroir » censées imposer des normes équivalentes aux produits importés sont inapplicables dans ce cas.

De plus, ce rejet doit être un signal pour revoir la politique commerciale de l’Union européenne :

  • Doit-on perpétuer une logique de libre-échange, tournée vers le marché mondial et la concurrence (souvent déloyale) entre agriculteurs et agricultrices ?
  • Ou bien faut-il développer une logique de souveraineté alimentaire, pour l’Europe et le reste du monde, basée sur plus de coopération ?

Défendre un commerce juste et basé sur la souveraineté alimentaire

Les agriculteurs et agricultrices que nous représentons ou soutenons se sont d’ailleurs fédérés pour lutter contre ces politiques de libre-échange qui mènent à la disparition des fermes et à l’industrialisation des pratiques. Ce changement de logiciel des politiques commerciales est indispensable. Il doit permettre de maintenir nos fermes et d’installer des jeunes mais aussi d’accompagner la transition vers des pratiques agricoles durables. Il doit aussi permettre de protéger les agriculteur-rices des pays tiers. Car le libre-échange n’impacte pas seulement les fermes chez nous : il a également des conséquences désastreuses ailleurs dans le monde et sur le climat. L’agriculture européenne est à l’origine d’exportations « déstructurantes », à l’image de la poudre de lait en Afrique de l’ouest, des pommes de terre au Pérou ou des frites surgelées belges en Colombie. De plus, exporter des produits agricoles européens, tels que des saucisses vers le Japon, augmente considérablement les émissions de gaz à effet de serre.

Le symbole Mercosur et les choix à poser

Depuis des décennies, le libéralisme agricole européen fragilise nos fermes et notre souveraineté alimentaire. Nous importons déjà des produits qui ne respectent pas les normes européennes (y compris des pays du Mercosur) et les agriculteurs-rices subissent déjà la faiblesse et l’instabilité des prix qui leurs sont payés. Le Mercosur n’est qu’une pièce de plus dans l’engrenage d’un système déjà défaillant. D’autres accords ont été signés (avec la Nouvelle-Zélande) et d’autres (avec l’Australie notamment) sont dans les cartons. Les négociations doivent être stoppées mais il est surtout urgent que l’Europe se ressaisisse et pose un choix fort : Green Deal ou libre-échange incontrôlé ? Il est urgent pour l’Europe de sortir de ses incohérences et de nous donner les moyens de sauver nos fermes et leur transition ! Cet accord le prouve, il est temps de sortir l’agriculture des accords de libre-échange et construire un nouveau cadre pour le commerce agricole basé sur la coopération et la souveraineté alimentaire.

Signataires

Vincent Delobel – éleveur et administrateur – FUGEA

Timothée Petel – chargé de mission politique – FUGEA

Isabelle Franck et Eloïse Tuerlinckx – chargées de plaidoyer cet d’études pour Entraide et Fraternité

Carte blanche parue dans Le Soir le 2/12/2024

# Stop à l’Accord UE-Mercosur