Un paysan malgache sur un chariot chargé de foin, tiré par deux boeufs

Notre proposition de loi sur la dette des pays du Sud devra attendre la prochaine législature

Alors qu'elle devait être adoptée quelques minutes plus tard, la proposition de loi coécrite par Entraide et Fraternité a fait l'objet d'un malheureux marchandage politique qui la remet à l'agenda de la prochaine session de la Chambre.

Déception pour finir la législature : alors que le texte faisait l’objet d’un consensus au sein de la majorité, les députés fédéraux n’ont finalement pas voté la loi visant à faire participer tous les créanciers aux allègements de dettes des pays du Sud en raison d’un marchandage politique de dernière minute. Pour Entraide et Fraternité qui a impulsé cette loi, la Belgique a manqué une occasion historique de limiter les profits illégitimes des créanciers qui refusent de participer aux efforts collectifs d’allègement de dettes.

Alors que nous sommes face à la pire crise de la dette de l’Histoire, cette proposition de loi belge soutenue par la société civile, les syndicats mais aussi l’ONU, a pour but de protéger les droits fondamentaux des populations des pays surendettés. Elle permet aussi de traiter de manière équitable tous les créanciers d’un même pays en détresse financière, évitant ainsi que les créanciers refusant de participer aux allègements de dettes bénéficient des efforts réalisés par les autres créanciers. Pour atteindre ces objectifs, la proposition législative prévoit que tous les créanciers, publics comme privés, qui saisissent les tribunaux belges ne peuvent pas obtenir davantage que ce qu’ils auraient obtenu s’ils avaient participé aux efforts collectifs d’allègement de la dette.

Il y a urgence à agir. Déjà 54 pays, abritant plus de la moitié de la population vivant dans l’extrême pauvreté, sont déjà en crise de la dette. Concrètement, plus de 3 milliards de personnes vivent dans des pays où les gouvernements consacrent davantage en paiement d’intérêts sur la dette qu’en dépenses d’éducation et santé cumulées. Le service de la dette des pays du Sud, c’est-à-dire le remboursement annuel du capital et des intérêts, représente également 12 fois les dépenses liées à l’adaptation au changement climatique. En cas d’inaction, la situation va encore s’empirer sous l’effet de plusieurs facteurs qui échappent totalement au contrôle des pays du Sud : impacts économiques de la guerre en Ukraine, du relèvement des taux d’intérêt décidés par les banques centrales du Nord, de la pandémie du COVID-19 et du dérèglement climatique.

Face à cette crise de la dette, des lois sont nécessaires pour mettre à contribution tous les créanciers, aussi bien publics que privés. Car en l’absence de règles juridiques sur le surendettement des Etats, les créanciers privés refusent de prendre leur juste part dans les allègements de dettes. Rappelons qu’à l’échelle mondiale, seule une banque a accepté de suspendre provisoirement le remboursement de ses créances pendant la période du COVID-19 tandis que tous les principaux Etats créanciers dont la Belgique ont participé au moratoire sur la dette.

Fort heureusement, l’affaire n’est pas finie. Entraide et Fraternité et ses alliés (dont le CNCD-11.11.11, son homologue flamand 11.11.11, le CADTM, OXFAM) mettront tout en œuvre pour que le futur accord de majorité du gouvernement fédéral issu des élections de juin prochain prévoit l’adoption d’une loi pour faciliter les allègements de dettes des pays du Sud.