Avec 20% des victimes à échelle mondiale depuis 10 ans, le Brésil est un des pays les plus dangereux pour les défenseurs et les défenseuses de l’environnement et des droits humains : la plupart des victimes y sont indigènes ou noires. Loin des yeux du monde, moins médiatique que l’Amazonie, le Cerrado est en première ligne de ces conflits fonciers.
Accaparement des terres, déforestation, détournement de l’eau, arrestations ou assassinats de militantes et de militants, de paysans et de paysannes, esclavage… Flavio Marcos, le responsable du centre de documentation Dom Tomas Balduino (évêque de la théologie de la libération et fondateur de la Commission pastorale de la terre), et son équipe collationnent des tonnes d’articles, de témoignages, de rapports : ici, sont enregistrés 17.000 conflits agraires, 22.000 victimes, 133.000 témoignages, 60.000 documents. « Il y a plutôt moins d’assassinats que par le passé », dit Flavio Marcos, avant d’asséner tout de même : « 44 assassinats pour des conflits de terre en 2022, le tiers étant constitué d’indigènes ! »
Il faut dire que, l’année précédente, la CPT avait recensé 109 décès suite à des conflits ruraux : 90 % des victimes étaient des Yanonamis tués par des chercheurs d’or. En ce début 2023, les images de dizaines d’enfants morts de faim ont poussé Lula à accuser Bolsonaro de génocide en raison de son refus d’envoyer une aide d’urgence à cette tribu amazonienne.
Le cas est extrême et invisible en Europe : il illustre pourtant les délires de l’ère Bolsonaro. L’idéal de ce président acquis aux grandes fortunes héritées de la colonisation était de contraindre la population à se masser dans les mégalopoles et de faire de la campagne et de la forêt un gigantesque champ d’exploitation pour l’industrie. Avec une population vivant à 90 % dans les villes alors que le pays est le 7e le plus étendu de la planète, il y est presque parvenu : nombre de citadins ignorent même qu’il existe des habitants ailleurs qu’à Rio ou Sao Paulo. La lutte de ces petits paysans et petites paysannes, de ces communautés indigènes ou sans-terre n’en est que plus vitale.